Indomptable
la Vallée, que les vas-
saux du château de Blackthorne aiment plus que tout, après
Dieu. C’est la raison pour laquelle, John, tout comme le roi
d’Angleterre, ne vous a pas déshéritée. Les vassaux auraient
abandonné leurs charrues et se seraient enfuis des terres
comme d’un endroit maudit.
Pâle, tremblant de l’intérieur, Meg tenta de se défaire
de l’emprise de Duncan. Il remarqua à peine qu’elle se
débattait.
— Sachez ceci, Lady Margaret. J’aurai des terres et une
femme noble pour porter mes enfants. Que je doive tuer dix
chevaliers normands ou dix mille, j’aurai mes terres.
Bouleversée, Meg s’arracha de la poigne de Duncan.
Déchirée entre la compréhension du besoin de son ami
d’enfance d’avoir une place dans une société dans laquelle
il n’y avait pas de place pour les bâtards, et la certitude que
son plan entraînerait la ruine du domaine et des vassaux
qu’elle aimait, Meg regarda Duncan, les yeux remplis de
larmes.
— Vous me demandez d’amener la guerre à Blackthorne,
murmura-t-elle.
— Je vous demande de ne pas épouser un brutal sei-
gneur normand. Est-ce donc là une si grande faveur à vous
demander ?
La seule réponse de Meg fut ses larmes.
— Ne demande pas de faveurs à une sorcière des
Druides de la Vallée, grogna férocement John. Je t’en donne
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INDOMPTABLE
l’ordre, Margaret. Je suis le seigneur de ce château, et tu fais
partie de mon bétail tout comme le cochon qui s’installe
dans ma forêt. Tu m’obéiras ou bien tu regretteras le jour de
ta naissance aussi souvent et aussi profondément que je le
regrette.
— Ne vous inquiétez pas, Meggie, dit doucement
Duncan, tiraillant une de ses longues tresses. Je veillerai à
ce qu’on ne vous fasse pas de mal dans l’église.
Meg ferma les yeux et lutta pour ne pas crier sa colère
devant l’ambition des deux hommes dans la pièce. Que sa
vie et son corps soient utilisés comme gages au nom du
roi anglais était le devoir que l’on attendait, même s’il était
difficile, d’une femme issue de la noblesse.
Que sa vie et son corps soient utilisés pour déclarer une
guerre, elle ne pourrait le supporter.
— Je ne peux pas, dit-elle.
— Tu le feras, siffla John. Tu deviendras l’épouse de
Duncan ou bien la catin des mercenaires, cela m’est égal.
— Lord John… commença Duncan tristement.
— Silence ! Il serait de loin préférable que tu aies
une autre épouse qu’une descendante aux yeux verts des
Druides de la Vallée ! Sur ton empressement, j’ai accepté
de demander à la sorcière de s’allier à nous. Elle a refusé.
Va-t’en maintenant et dis aux mercenaires de se soulever et
de tuer…
— Non ! dit Meg. Père…
— Je ne suis pas ton père.
Meg arrivait difficilement à respirer tandis qu’elle cher-
chait un moyen d’échapper au piège que Duncan et John
avaient posé autour d’elle.
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ELIZABETH LOWELL
Il n’y avait aucune issue. Meg entrecroisa les doigts et
les serra si fort qu’elle bloqua le sang dans ses mains et la
sensibilité de ses doigts.
— Je… commença-t-elle, mais sa voix se brisa, laissant
place au silence.
Les deux hommes aux yeux noisette, à la fois pareils et
subtilement différents, la regardèrent. Dans ceux de John se
lisait une haine aussi ancienne que la trahison de sa mère.
Dans ceux de Duncan se trouvait un espoir aussi ancien que
la compréhension de qui était réellement son père.
— Meggie ? demanda calmement Duncan.
Elle baissa la tête.
— Je ferai ce qu’il faut.
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c 5
Meg quitta la chambre de son père tellement rapide-
ment que sa cape de laine se souleva et tournoya der-
rière elle. Elle avait beaucoup à faire avant de fuir le château.
Tout d’abord, elle devait préparer une grosse quantité de
médicaments pour les vassaux qui dépendaient de son aide.
Ensuite, elle devrait dérober discrètement assez de nourri-
ture et de couvertures pour tenir pendant deux semaines.
« Et ensuite, quoi ? »se demanda-t-elle.
Il n’y avait pas de réponse si ce n’est l’évidence : tout
serait plus supportable que d’être la pierre sur laquelle on
détruirait son Blackthorne bien-aimé.
La flamme de la chandelle s’inclina et tournoya tandis
que Meg se dépêchait, les pieds volant dans l’air, descen-
dant les marches de l’escalier en spirale à une allure impru-
dente. Au moment où elle atteignait le grand hall,
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