Indomptable
Eadith
l’aperçut et s’avança afin de l’intercepter malgré la hâte évi-
dente de Meg.
— Madame…
— Pas maintenant, l’interrompit Meg.
— Mais Lord Dominic veut…
— Plus tard. Je dois préparer des médicaments.
Étonnée de l’attitude brusque de Meg, Eadith resta, pour
une fois, sans voix alors qu’elle regardait la silhouette de sa
maîtresse disparaître rapidement.
Comme si elle craignait qu’Eadith ne la poursuive, Meg
redoubla de vitesse. Une fois l’étage sous le grand hall
ELIZABETH LOWELL
atteint, elle ne trouva personne au rez-de-chaussée, à part
quelques servantes. Elle ralentit le pas. Même ainsi, son
manteau ondulait et volait derrière elle.
De petites pièces obscures — plus des cabinets que de
véritables pièces — s’ouvraient de chaque côté de Meg alors
qu’elle dévalait le couloir. Les odeurs de racines entassées et
de tonneaux de bière s’infiltraient dans l’obscurité, tout
comme les odeurs de poisson salé ou fumé et d’anguilles
dans leurs fûts, et de volailles suspendues par leurs pattes
froides légèrement recouvertes d’écailles. Sous les odeurs
de toute cette nourriture, se percevait le parfum aride et
complexe de l’herboristerie qui avait été créée par Lady
Anna pour le séchage de ses plantes et la préparation de ses
remèdes médicinaux.
Les souvenirs que Meg avait de sa mère étaient précis.
Beaucoup d’entre eux étaient à propos de l’herboristerie ou
des moments passés au jardin avec Anna à écouter sa voix
mélodieuse décrivant chaque plante et ses propriétés
de guérison ou d’apaisement des petites douleurs ou des
grandes souffrances des vassaux. L’herboristerie, les jardins
et la baignoire avaient été élaborés selon les volontés exactes
d’Anna puisqu’ils avaient tous leur importance pour les
rituels et le bien-être d’une personne élevée selon les pré-
ceptes des Druides de la Vallée.
Tout près de l’entrée de l’herboristerie se trouvaient
deux tables servant à broyer, découper et moudre des
feuilles, des tiges, des fleurs, des racines et des écorces. Tous
étaient utilisés dans les remèdes de Meg. De petits coffres,
des pots, des bols, des mortiers ainsi que des pilons, des
couteaux et des cuillères étaient rangés soigneusement à
l’arrière des tables.
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INDOMPTABLE
Sur douze pas à flanc de colline, soutenus par de la
roche plutôt que par du bois, se côtoyaient des tas de casiers
remplis de choses qui séchaient ou qui étaient conservées
hors de portée de la lumière. Des bassines attendaient d’être
remplies d’eau de source fraîche qui remontait en surface au
milieu du château, car l’eau était au centre de nombreux
rites des Druides de la Vallée.
Meg inspira profondément, laissant le mélange familier
d’odeurs l’envahir et chasser l’air vicié de la chambre du
malade. Après quelques inspirations, ses mains arrêtèrent
de trembler, et la glace au creux de son estomac commença
à fondre. Meg aimait la sérénité et la générosité de l’herbo-
risterie qui promettait silencieusement d’apaiser les dou-
leurs et de guérir les maladies.
« Cependant, rien dans cette pièce n’est capable d’em-
pêcher la guerre, ni la famine et l’effusion de sang qui
l’accompagnent. »
La triste pensée fit que de la glace se forma à nouveau
au creux de l’estomac de Meg.
— Je ne peux envoyer mon peuple dans cette gueule
sanguinaire, chuchota-t-elle, parcourant l’herboristerie du
regard, ses yeux ne voyant que le désastre. Et pour quoi ?
Pour rien. Duncan ne peut pas gagner. Oh mon Dieu, faites-
lui prendre conscience de cela !
Bien que la prière ait été prononcée par ses lèvres, elle
savait qu’elle ne changerait pas ce qui avait été planifié.
Duncan aurait le château de Blackthorne ou bien il rejoin-
drait sa tombe prématurément.
— Oh, Duncan, murmura-t-elle, enfouissant son visage
dans ses mains. Je ne veux pas vous voir mort. De toutes les
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ELIZABETH LOWELL
personnes ayant fait partie de mon enfance, seuls vous,
Mère et Gwyn avez réellement pris soin de moi. Que vais-je
faire ?
Comme si Anna appartenait encore aux vivants, des
mots lui parvinrent.
« Fais ce que tu peux, ma fille. Laisse le reste entre les
mains de Dieu. »
Au bout d’un moment, Meg se redressa, sécha ses larmes
et tenta de se concentrer sur les tâches qui l’avaient
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