Indomptable
la bière
qu’il avait en bouche.
L’évidente intimité de ce geste la fit trembler. Les clo-
chettes remuèrent presque secrètement, car la mélodie se fit
plutôt sentir qu’entendre. Il but dans la chope, et elle but à
petites gorgées sur ses lèvres jusqu’à ce qu’elle sente la tête
lui tourner.
— Assez, chuchota Meg.
Les mots furent prononcés contre la bouche de Dominic.
Elle respira le parfum capiteux de la bière sur son souffle,
goûtant sa chaleur, sentant les contours de ses dents tandis
qu’il mordillait doucement sa lèvre inférieure.
— En êtes-vous certaine ? demanda-t-il en la mordillant
avec une précaution exquise.
255
ELIZABETH LOWELL
— Je crains de ne pas bien supporter la bière. J’ai vrai-
ment la tête qui tourne.
Le son du rire de Dominic était semblable à sa voix ;
bas, velouté et très masculin.
— Ce n’est pas à cause de la petite quantité de bière que
vous avez bue, murmura-t-il contre ses lèvres. C’est la façon
dont vous l’avez bue qui vous étourdit.
Meg ne discuta pas. Elle savait que la bière ne lui était
jamais montée à la tête aussi rapidement auparavant.
— Peut-être est-ce simplement dû à la faim, dit-elle en
lorgnant le plateau de nourriture avec convoitise.
Riant en silence, Dominic se remit à nourrir Meg du
bout des doigts plutôt qu’avec ses lèvres. Les battements de
son cœur se calmèrent dès qu’elle s’accoutuma à cette nou-
velle façon de manger. De la viande et des figues, du pain
et du fromage — et les légumes croquants — se volatili-
sèrent à une vitesse surprenante.
— Vous n’avez rien mangé, protesta Meg lorsqu’il lui
tendit un autre morceau de figue.
— Je ne suis pas un petit faucon.
— Même les aigles mangent, dit-elle catégoriquement.
Cependant, elle lui souriait. Ses yeux pétillaient tandis
qu’elle le regardait par-dessous ses longs cils auburn.
Dominic éclata de rire et vola une miette de pain accro-
chée au coin des lèvres de Meg. Ensuite, il continua à la
nourrir une petite bouchée à la fois jusqu’à ce qu’elle ne
puisse plus manger.
Même à cet instant, Meg ne fut pas très enthousiaste à
l’idée que cela s’arrête. L’homme qui s’occupait d’elle avec
tant de précaution, qui la taquinait si gentiment et qui la
nourrissait de manière si intime, fut une révélation pour
256
INDOMPTABLE
elle. Son cœur la poussait à croire qu’il y avait bien plus au
sein du sombre chevalier normand que son ambition et son
habilité meurtrière avec l’épée et la lance.
L’espoir tenace qui avait maintenu vivantes des généra-
tions de femmes Druides de la Vallée se réveilla une nou-
velle fois en Meg, lui murmurant qu’un homme qui était
capable d’une telle tendresse et de rire de cette façon pou-
vait également être capable d’aimer. Elle n’était pas capable
d’aimer un homme qui était trop froid et trop maître de lui
pour pouvoir l’aimer en retour, néanmoins s’il était capable
de l’aimer… si cela pouvait être possible…
Dans ce cas, tout serait possible.
« Même un fils Druide de la Vallée. »
Quand Dominic offrit à Meg un nouveau morceau de
pain, elle secoua la tête pour marquer son refus ; mais en
faisant cela, elle balaya le bout des doigts de Dominic d’un
baiser fugace. Les yeux de celui-ci se plissèrent et sa respi-
ration s’accéléra devant cette caresse qui avait été faite
librement.
— Quelque chose de sucré ? demanda Dominic, la voix
rauque.
Meg regarda le plateau et y vit la sélection de bonbons
turcs qui avait été cachée sous le pain. Dans la lumière
vacillante de la cheminée, elle ne pouvait dire lequel des
bonbons avait le parfum qu’elle préférait.
— Quel est celui au citron ? demanda-t-elle.
— Nous allons le découvrir.
Avec une nonchalance feinte, Dominic saisit un des
bonbons. Il le fit tomber dans sa bouche, le roula sur sa
langue, et ensuite se pencha vers Meg.
— Goûtez-moi, petit faucon.
257
ELIZABETH LOWELL
De délicates étincelles de feu firent frémir les nerfs
de Meg tandis qu’elle fixait le contour net des lèvres de
Dominic. Elles paraissaient fermes, comme taillées dans la
pierre, bien qu’elle sache qu’elles étaient merveilleusement
chaudes et souples.
Dominic observa son épouse. Il la comprenait avec la
même impitoyable clarté qu’il comprenait les hommes, les
lieux de combats potentiels
Weitere Kostenlose Bücher