Interdit
elle était allée chercher son
époux.
Quand elle n’était pas à ses côtés, elle n’était pas tran-
quille, comme si on allait le lui prendre sans prévenir.
— Venez vous asseoir près de moi, dit-il en lui tendant
la main. J’ai bientôt fini.
Dès qu’il la toucha, elle sentit la tension les quitter tous
deux. En cet instant, les souvenirs de Duncan demeuraient
immobiles dans les ténèbres. Il ne se concentrait que sur le
présent et sur ses devoirs en tant que sénéchal d’Erik.
Tandis qu’elle restait assise sur l’estrade surélevée de la
grand salle, il écoutait les plaintes, les résolvait et écoutait
les suivantes. Ce faisant, il caressait sa main, leur rappelant
à tous deux le plaisir et la paix qu’ils avaient trouvés dans
les heures précédant l’aurore, lorsque leurs corps entrelacés
avaient vaincu les souvenirs qui traquaient Duncan comme
une meute de loups.
— La matinée a-t-elle été fastidieuse ? murmura-t-elle.
— Je commence à croire qu’on devrait couper les jarrets
de tous les porcs, marmonna-t-il tandis que les vassaux sui-
vants s’avançaient.
Ambre vit qui étaient les requérants, et son sourire
s’effaça.
— Ethelrod a encore dû laisser son porc fouiller dans le
jardin de la veuve Mary, dit-elle.
329
ELIZABETH LOWELL
— Cela arrive-t-il souvent ? demanda Duncan.
— Aussi souvent qu’Ethelrod et la veuve partagent leur
couche.
Duncan la regarda en coin.
— Ce cochon aime beaucoup Ethelrod, voyez-vous, dit-
elle à voix basse.
— Non, je ne vois pas, marmonna-t-il.
— Il suit Ethelrod comme un fidèle chien de chasse.
Duncan sourit à pleines dents sous sa moustache.
— Je commence à comprendre, dit-il. Ethelrod a-t-il une
clôture assez robuste pour retenir un cochon ?
— Non. Et il ne peut se le permettre. Ce n’est qu’un serf.
— Veulent-ils se marier ?
— La veuve est une propriétaire. S’ils se marient, les
enfants qu’ils auraient seraient des serfs.
Les sourcils froncés, Duncan regarda le couple qui se
tenait devant leur nouveau sénéchal, mal à l’aise.
— Erik manque-t-il de serfs ? s’enquit-il, toujours à voix
basse.
— Non. C’est un seigneur strict, mais pas sévère.
Personne ne fuit son service.
— Ethelrod a-t-il été un vassal fidèle ?
— Oui. Jamais il ne s’est défilé.
— Qu’en pensent les gens du château ?
— Ils vont le consulter lorsqu’ils ont des problèmes
avant d’aller voir le prêtre ou le seigneur du château.
Duncan garda sa main dans la sienne lorsqu’il se tourna
vers le couple qui se tenait devant lui.
— Veuve Mary, dit-il. Outre le statut de serf d’Ethelrod,
avez-vous quelque objection à l’avoir pour époux ?
330
INTERDIT
La femme fut si surprise par la question qu’elle mit un
certain temps à répondre.
— Non, monsieur. C’est un travailleur consciencieux et
un homme bon envers les plus faibles. Mais…
— Mais ? dit Duncan d’un ton encourageant. Parlez,
femme.
— Son satané cochon ne doit pas entrer dans ma chau-
mière si ce n’est sur une broche !
Les vassaux qui étaient restés pour regarder leur nou-
veau sénéchal à l’œuvre éclatèrent de rire. La bataille récur-
rente entre la veuve et le cochon était source d’amusement
au château.
Duncan se tourna en souriant vers le serf qui semblait si
mal à l’aise, le couvre-chef entre ses mains noueuses et ses
pieds qui, en plus d’être plats comme le plancher d’une
charrette, étaient mal chaussés.
— Ethelrod, avez-vous une objection à prendre la veuve
pour femme ?
L’homme rougit de la pointe de la barbe au haut du
front.
— Non, m… monsieur, bredouilla-t-il. Elle f… ferait
une b… bonne épouse.
— Ainsi, le problème du cochon est résolu, dit Duncan.
Le jour où vous épouserez la veuve Mary, vous ne serez
plus un serf.
Ethelrod était si stupéfait qu’il en resta bouche bée.
— Sire Erik vous offrira pour cadeau de mariage assez
de bois pour construire un enclos robuste pour votre
cochon.
331
ELIZABETH LOWELL
Une clameur mêlant le rire, l’approbation et la célébra-
tion s’éleva dans la salle. En moins de deux semaines, les
vassaux avaient totalement accepté le sénéchal du château.
Avant que le vacarme ne cesse, Duncan se leva, incitant
Ambre à faire de même.
— Venez chevaucher avec moi, dit-il. J’apprécie votre
savoir sur le château et ses vassaux autant que j’en
Weitere Kostenlose Bücher