Interdit
annonçaient que le seigneur était prêt à se battre.
Mais il ne s’était pas préparé à trouver son ennemi ainsi
dévêtu.
— Finissez votre bain, dit-il durement. Et dépêchez-
vous. Si vous ne descendez pas avant que je ne m’impa-
tiente, j’enverrai une aide-cuisinière vous habiller et vous
traîner en bas.
La porte claqua violemment. Duncan était parti.
Ambre était en colère et déçue. Mais elle n’était pas
assez stupide pour attiser la rage de son mari en traînant les
pieds. Que Duncan le sache ou non, elle aurait préféré rece-
voir le fouet qu’être touchée par qui que ce soit, si ce n’étaient
trois personnes en particulier.
382
INTERDIT
L’une d’elles était Cassandra. Erik était une autre de ces
personnes. La troisième venait de quitter la pièce avec
fureur.
Il s’écoula très peu de temps avant qu’elle n’apparaisse
dans la grande salle, vêtue d’une robe couleur des pins des
montagnes. Sur le vert sombre de son habit, l’antique pen-
dentif d’ambre rougeoyait comme s’il était en feu. Sa cheve-
lure était un nuage léger retenu en arrière par un bandeau
d’argent serti de gemmes d’ambre de la couleur de ses yeux.
Duncan la regarda comme si elle était une étrangère. Un
regard, pas plus. Puis, il se tourna vers l’Érudite dont les
yeux n’avaient jamais autant ressemblé à un ciel hivernal.
— Comme vous le voyez, dit Duncan d’un ton brusque
en montrant la porte par laquelle Ambre venait d’entrer,
Ambre n’est pas blessée.
Cassandra regarda la jeune femme qu’elle avait élevée
comme sa propre fille.
— Comment vas-tu ? demanda Cassandra.
— Comme vous l’aviez prédit.
À ces mots doux, la douleur passa comme une ombre
sur le visage de l’Érudite. Elle baissa la tête un instant.
Lorsqu’elle la releva, son visage n’exprimait rien. Elle se
tourna vers Duncan.
— Merci, monsieur, dit-elle calmement. Je ne vous
dérangerai pas plus.
— Attendez, dit-il alors que Cassandra allait partir.
— Oui ? demanda-t-elle, toujours aussi calme.
— Qu’avez-vous vu dans l’avenir d’Ambre ?
— Rien qui n’affecte votre capacité à régner sur le châ-
teau de Stone Ring, ses gens ou ses terres.
383
ELIZABETH LOWELL
— Ambre, dit Duncan sans quitter Cassandra des yeux.
Touchez l’Érudite pendant que je l’interroge.
À cet ordre, Ambre resta incrédule. Puis, la colère monta
en elle.
— Il n’y a aucune raison de douter de sa parole, fit-elle
avec froideur.
Le sourire de Duncan était aussi froid que les yeux de
Cassandra.
— Pour vous, peut-être. Mais elle n’a aucune affection
pour moi.
— Ma fille, dit Cassandra en tendant sa main à Ambre,
ton époux est inquiet. Rassure-le.
Ambre noua ses doigts à ceux de sa mère spirituelle. Les
émotions qui se déversèrent en elle étaient complexes, puis-
santes, remuant sombrement à cause de tout ce qui avait été
risqué.
Et perdu.
Ambre ferma les yeux. Elle devait lutter pour ne pas
verser les larmes que Cassandra gardait en elle.
— Je n’ai rien prédit qui affecterait votre emprise sur le
château de Stone Ring, ses gens ou ses terres, répéta
Cassandra.
— C’est la vérité, souffla Ambre.
Elle mit la paume de Cassandra contre sa joue briève-
ment, avant de la relâcher.
L’inquiétude s’étendit en Duncan. Bien que le silence
régnât, il sentait la tristesse flotter entre les deux femmes.
Comme si elles se disaient adieu.
— Qu’avez-vous prédit pour Ambre ? demanda-t-il à
nouveau.
384
INTERDIT
Ni l’une ni l’autre ne répondit.
— Qu’avez-vous prédit ?
Cassandra regarda Ambre. Elle secoua la tête.
— Cela est entre Ambre et moi, dit-elle en se tournant
vers Duncan.
— Je suis le seigneur de ce château. Vous allez me
répondre !
— Oui, dit l’Érudite, vous êtes le seigneur de ce châ-
teau. Ma réponse est que ce qui s’est passé entre Ambre et
moi n’a rien à voir avec la sécurité de ce château.
Duncan plongea son regard dans les yeux calmes de
Cassandra. Il n’obtiendrait pas de meilleure réponse de sa
part.
— Ambre, dit-il, vous allez me dire ce que je veux
savoir.
— User de mon don afin de satisfaire une curiosité inu-
tile serait un péché. Vous êtes le seigneur des corps, pas des
esprits.
Duncan se leva de son fauteuil de chêne massif aussi
promptement qu’une flèche qu’on aurait tirée d’un arc. Il
saisit le bras
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