Interdit
peur de me causer tant de souffrance.
Duncan se renfrogna en comprenant combien Ambre le
voyait clairement.
Plus clairement que lui-même ne se voyait.
Plus clairement qu’il ne voulait voir.
— Alors il y a de l’espoir, dit Cassandra.
— Duncan est un homme bien, dit Ambre d’un air las.
Appuyez vos espoirs là-dessus plutôt que sur mon futur.
— Espoir ? demanda Duncan. De quoi ?
Personne ne lui répondit.
Duncan tourna les talons et se rassit dans son fauteuil.
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INTERDIT
— Je vois que vous allez mieux, dit-il.
Ambre eut froid tout à coup. L’adoucissement de Duncan
envers elle n’avait pas duré longtemps.
— Oui, dit-elle d’un ton neutre.
— Continuons, alors. Les Érudits complotent-ils contre
moi ?
Cassandra effleura la joue d’Ambre avec sa main.
— Non, dit-elle.
— Non, répéta Ambre.
— Cassandra espère-t-elle qu’ils le fassent ?
— Non, dit Cassandra.
— Non, répéta Ambre.
Le silence retomba pendant un moment. On entendait
seulement le murmure du vent dans le donjon et le siffle-
ment d’un serviteur qui prenait de l’eau au puits, non loin
de là.
Puis, Ambre sentit des gens entrer dans la salle, derrière
elle. Elle ne se retourna pas pour voir de qui il s’agissait.
Elle n’avait d’yeux que pour le guerrier fier qui l’observait
avec bien trop de noirceur dans les yeux.
— Comme vous l’avez demandé, dit Simon depuis la
porte. Même si ce que vous allez faire à ce rustre paresseux
me dépasse.
Duncan regarda par-dessus l’épaule d’Ambre et sourit.
— Restez près de la porte, Simon, s’il vous plaît.
Simon hocha la tête.
— Egbert, dit Duncan. Avance.
Ambre entendit les pas de l’écuyer s’élever, hésiter, puis
changer de direction pour s’écarter d’elle.
— Non, dit Duncan. Rapproche-toi de la sorcière.
— Laquelle, monsieur ?
389
ELIZABETH LOWELL
Duncan le regarda avec froideur.
— Ambre.
Egbert se rapprocha suffisamment pour qu’elle voie sa
tignasse rousse du coin de l’œil.
— Touche-le, ordonna Duncan en la regardant.
Elle frissonna.
— Quelques secondes de gêne, avez-vous dit ? fit-il
d’une voix doucereuse.
Elle se tourna vers Egbert. La peur se lisait dans ses
yeux.
— Cela ne vous fera aucun mal, dit-elle. Donnez-moi
votre main.
— Mais Erik me fera pendre si je vous touche !
— Erik, intervint Duncan d’un air mauvais, n’est plus le
seigneur de ce château. C’est moi. Ta main, écuyer.
Egbert tendit sa main tremblante vers Ambre. Elle y
posa un seul doigt, tressaillit légèrement et se tourna vers
Duncan.
La pâleur de sa peau le fit de nouveau enrager.
— Pourquoi êtes-vous si pâle, sorcière ? Egbert n’est
encore qu’un garçon. Comparé à la passion d’un homme, ce
doit être comme la flamme d’une bougie contre un feu
rugissant.
— Est-ce une question ?
Duncan pinça les lèvres. Il porta son attention sauvage
sur l’écuyer.
— Si tu restes au château, me seras-tu fidèle ?
demanda-t-il.
— Je… je…
— Ambre ?
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INTERDIT
— Non, dit-elle d’une voix sans timbre. Il serait parjure.
Il a donné sa parole à Erik. Egbert est peut-être paresseux,
mais il tient à son honneur.
Duncan grogna.
— Tu partiras à l’aube pour Winterlance, dit-il à Egbert.
Si on te voit avant cette heure en dehors de tes quartiers, tu
seras considéré comme un ennemi et un traître, et traité en
conséquence. Pars.
Egbert se précipita hors de la salle.
— Amenez le suivant, Simon.
Cassandra fit un geste involontaire comme pour
intervenir.
— Ne bougez pas ou partez, dit Duncan avec froideur.
La sorcière était l’arme d’Erik. Maintenant, elle est à moi.
Le feu de l’âtre avait été réalimenté trois fois avant que
Duncan n’ait fini de s’occuper de tous les écuyers, hommes
armés et serviteurs. Tous les écuyers étaient loyaux à leurs
serments, et à Erik. Les hommes armés étaient tous nés
dans la région et étaient plus fidèles au château qu’au sei-
gneur. Il en était de même pour les serviteurs, issus de
familles de Stone Ring.
Lorsque la dernière mise au point fut finie, Ambre se
laissa tomber dans un siège près du feu. Elle était trop lasse,
ne serait-ce que pour lever ses mains froides devant les
flammes. Pâle, les traits tirés, son visage était un reproche
muet à l’homme qui l’avait trop durement utilisée.
— Puis-je offrir un rafraîchissement à ma fille
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