Interdit
son souffle.
— Venez près du feu, guerrier, dit Erik, luttant pour ne
pas révéler le sourire qui grandissait sous sa barbe. Vous
devez être aussi raide qu’une épée froide. Où bien est-ce la
seule partie de vous qui soit encore chaude ?
— Erik ! s’écria Ambre, gênée.
Il regarda ses joues rouges et sourit d’un air à la fois
affectueux et amusé.
— Petite Érudite innocente, dit-il avec douceur. Il n’y a
personne dans ce château qui ne sache pas où regarde
Duncan… et qui le regarde en retour.
Ambre porta ses mains sur ses joues chaudes.
— C’est même source de pari entre les hommes.
— Quoi donc ? demanda-t-elle d’une petite voix.
— Qui de vous ou de lui craquera le premier.
— Ce ne sera pas Duncan.
Ambre ne comprit pas tout de suite ce que l’acidité de sa
voix avait révélé.
Erik, lui, comprit immédiatement. Duncan aussi. Tandis
qu’Erik cédait au rire, Duncan rejoignit Ambre et cacha ses
joues enflammées contre son torse.
Les sentiments contradictoires que le contact de Duncan
révéla — désir, repentance, rire — furent étrangement
réconfortants pour Ambre. Mais rien n’était plus rassurant
que de savoir que Duncan acceptait toujours son contact.
Sur le chemin qui les ramenait à Sea Home, il avait tout
fait pour éviter de la toucher.
178
INTERDIT
Elle soupira et s’appuya contre lui. En silence, elle but le
vin enivrant de sa présence, le laissant chasser le froid qui
l’avait envahie quand elle avait entendu les oies descendre
sur le marais.
— Touchant, dit sèchement Erik. Vraiment touchant.
— Arrêtez, rétorqua Duncan.
— Je suppose que c’est ce que je devrais faire, mais je ne
m’étais pas autant amusé depuis que vous m’avez accusé de
vouloir garder Ambre pour moi.
Elle releva brusquement la tête vers Duncan, étonnée.
— Vous n’avez pas fait cela, dit-elle.
— Mais si, il l’a fait, répondit Erik.
Elle fit un bruit bizarre.
— Vous riez ? demanda Erik.
— Hum.
Il la regarda d’un air sévère.
— Vous pensez donc que c’est si impossible qu’une
jeune femme soit attirée par moi ? demanda-t-il, offensé.
— Non, s’empressa-t-elle de répondre.
Il parut surpris.
Après un instant, elle releva la tête vers l’homme qui la
tenait si tendrement dans ses bras.
— Mais, ajouta-t-elle, il est absurde de penser que cette
jeune femme laisserait un homme la toucher, à l’exception
d’un seul.
— Duncan, dit Erik.
— Oui. Duncan.
— On doit s’y attendre entre un homme et sa promise,
dit-il.
Ambre et Duncan tournèrent simultanément la tête
pour fixer Erik.
179
ELIZABETH LOWELL
— Ma promise ? demanda Duncan avec précaution.
— Bien sûr, dit Erik. Nous annoncerons vos fiançailles
demain. Ou bien pensiez-vous séduire Ambre sans considé-
ration pour son honneur ? Ou le mien ?
— Je vous l’ai dit. Je ne peux demander la main d’Ambre
avant d’avoir retrouvé la mémoire.
— Mais vous pouvez prendre le reste, c’est cela ?
Le visage de Duncan s’assombrit.
— On murmure dans le château, dit Erik. Bientôt, tout
le monde parlera ouvertement de l’idiote qui partage la
couche d’un homme qui n’a nulle intention de…
— Elle n’a pas… commença Duncan.
— C’est assez, coupa Erik. Il est aussi certain que cela
arrivera que le feu brûle ! La passion qui existe entre vous
est si forte que tous la devinent. Je n’ai jamais rien vu de tel
de toute ma vie.
Le silence fut la seule réponse de Duncan.
— Le niez-vous ? le défia Erik.
Duncan ferma les yeux.
— Non, dit-il.
Erik se tourna vers Ambre.
— Je n’ai pas besoin de vous demander quels sont vos
sentiments. On dirait que vous êtes une gemme illuminée
de l’intérieur. Vous brûlez.
— Est-ce si terrible ? demanda-t-elle douloureusement.
Devrais-je avoir honte d’avoir trouvé ce que toute autre
femme considère comme acquis ?
— Le désir sexuel, dit crûment Erik.
— Non ! Le plaisir profond de toucher quelqu’un sans
ressentir de douleur.
180
INTERDIT
Sous le choc, Duncan la regarda. Il commença à lui
demander ce qu’elle voulait dire, mais elle se remit à parler.
Ses mots étaient pressants, conduits par la tension qui
vibrait en elle.
— La passion est certes présente, dit-elle. Mais seule-
ment en partie. Il y a aussi la paix. Le rire. Il y a… la joie.
— Il y a aussi la prophétie, riposta Erik. Vous vous en
souvenez
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