Interdit

Pourquoi ne me l’a-t-on pas dit ?
    — Que j’étais votre tante ? dit Cassandra.
    Il hocha vivement la tête.
    — Cela faisait partie du marché qu’Emma et moi avons
    passé, dit-elle. Lord Robert craint les Érudits.
    Cela ne le surprenait pas. La scission qui s’était opérée
    entre son père et lui lorsqu’il était parti en quête de l’Érudi-
    tion n’avait jamais guéri.
    — Une fois qu’Emma eut épousé Robert, il m’a interdit
    de la voir. Il n’a levé cette interdiction qu’une seule fois,
    lorsqu’elle est venue à moi en tant qu’Emma la Stérile.
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    INTERDIT
    — Puis, elle est rentrée, pour concevoir peu après, dit
    sèchement Erik.
    — Oui.
    Le sourire de Cassandra était aussi froid que le jour.
    — J’étais ravie de donner à Lord Robert l’Ignorant un
    sorcier Érudit pour fils et héritier.
    Le sourire changea lorsqu’elle regarda Erik. Pour la pre-
    mière fois, elle pouvait se permettre de lui montrer l’amour
    qu’elle avait toujours eu pour lui, mais rarement révélé.
    — Emma est morte, dit-elle doucement. Je ne dois rien à
    Robert, excepté mon mépris. Si vous mourez des mains de
    Duncan, je déclarerai une guerre sanguinaire.
    Pour une fois, Erik ne sut quoi répondre. De toutes les
    possibilités qu’il avait pu imaginer, celle-ci était la plus
    inattendue.
    Sans un mot, il ouvrit les bras pour accueillir la femme
    qui avait été sa mère par l’esprit si ce n’était par la chair.
    Cassandra l’étreignit sans hésitation, savourant la force et la
    vitalité de l’homme qui n’aurait jamais vu le jour sans son
    intervention Érudite.
    — J’aimerais un autre hommage à ma mort que le début
    d’une guerre que seuls mes ennemis peuvent gagner, dit
    Erik après un moment.
    — Alors, étudiez votre ennemi en pensant à l’avenir.
    Dominic le Sabre ferait un meilleur allié que vos cousins.
    — Satan ferait un meilleur allié que mes cousins.
    — Oui, fit Cassandra avec ironie. C’est une option à
    considérer, n’est-ce pas ?
    Erik éclata de rire et se détacha de Cassandra.
    — Vous n’abandonnez jamais, dit-il en souriant, et
    pourtant, vous me dites entêté.
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    ELIZABETH LOWELL
    — Vous l’êtes.
    — Je ne fais que suivre mon don.
    — L’entêtement ? demanda-t-elle d’un air pince-
    sans-rire.
    — L’intuition, rétorqua-t-il. Je vois les moyens de réussir
    là où les autres ne voient que la certitude de l’échec.
    Cassandra toucha le front d’Erik du bout des doigts tout
    en plongeant son regard dans ses yeux clairs et fauves.
    — Je prie pour que la clarté vous guide, et non l’arro-
    gance, murmura-t-elle.
    Un orage lointain grondait au-dessus de Duncan et Ambre
    alors qu’ils chevauchaient vers Stone Ring et le sorbier sacré
    qui ne fleurissait pas. Duncan se tourna vers le grondement
    avec inquiétude. Il se demandait si l’orage éclaterait près
    d’eux ou bien loin de là.
    Les nuages qui recouvraient les montagnes descen-
    daient de plus en plus bas, amenant la brume avec eux.
    Mais ce n’était pas le temps humide qui faisait frissonner
    Duncan. Les alentours semblaient sûrs, et pourtant, il sen-
    tait le danger.
    Il s’assura distraitement que le fléau d’armes qu’il avait
    pris à l’armurerie était à portée de main.
    — Stormhold, dit Ambre.
    — Quoi ?
    — Ce n’est que Stormhold qui ronronne comme un gros
    chat heureux, maintenant que l’hiver arrive.
    — Vous pensez donc que les montagnes aiment la tem-
    pête ? demanda-t-il.
    — Je pense qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Les tem-
    pêtes sont au sommet de leur splendeur dans les monta-
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    INTERDIT
    gnes. Et les montagnes ne sont jamais aussi belles que sous
    l’emprise de la tempête.
    — Jamais aussi dangereuses, également, marmonna
    Duncan.
    Le murmure du danger l’envahit de nouveau. Il regarda
    autour de lui. Mais à part les voiles silencieux de brouillard,
    rien ne bougeait.
    — Le danger aiguise la beauté, dit Ambre.
    — La paix l’émousse-t-elle, alors ?
    — La paix renouvelle la beauté.
    — Est-ce un enseignement Érudit ? demanda-t-il
    sèchement.
    — C’est du bon sens, et vous le savez parfaitement,
    rétorqua-t-elle.
    Duncan rit. Il aimait la vivacité d’esprit d’Ambre, bien
    qu’elle lui donnait follement envie de la toucher. Malgré son
    désir, il n’en fit rien. Il ignorait pourquoi elle avait soigneu-
    sement évité de le toucher depuis Whispering Fen, mais il
    était