Jack Nicholson
conférence de presse qui suivit donna le ton : « Pourquoi devrions-nous nous intéresser à tous ces gens schizophrènes ? »
Des trois films américains en compétition, seul celui de Nicholson repartit bredouille. Le film du réalisateur Jerry Schatzberg, Panique à Needle Park, remporta un prix d’interprétation majeur, tandis que Johnny s’en va-t-en guerre arriva en tête, ex æ quo, de la compétition du meilleur réalisateur. Mi-furieux, mi-désorienté, Nicholson quitta Cannes pour rentrer aux États-Unis, où Drive, He Said devait faire sa sortie en juin.
En 1971, le Movement s’était essoufflé. Les personnages tourmentés, quoique représentatifs du malaise social, tendaient à blesser le public cible. Le message froid et anti-héroïque du film, sa négation de l’amour et des opinions politiques de gauche, furent par ailleurs assez mal accueillis par la plupart des critiques américains.
Le Village Voice, hebdomadaire new-yorkais alternatif et influent, attaqua le film de Nicholson en promouvant l’idée selon laquelle la star anti-establishment d’Easy Rider avait retourné sa veste, Drive, He Said étant considéré comme un affront à la contre-culture et au mouvement des étudiants de gauche.
Depuis Cannes, Mike Zwerin, le correspondant du Voice, écrivit : « Le personnage révolutionnaire du film, […] le fait que ce personnage devienne un monstre violeur […] ne peut que mener les gens biens […] à penser que tous les révolutionnaires sont des fous. » « Les types aussi branchés et aussi puissants que Nicholson doivent penser qu’ils peuvent se tirer de n’importe quelle affaire sans problème. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les gens comme lui "se défiler" – et les gens comme Fred Hampton (le leader du Black Panther Party de Chicago) se faire assassiner par des policiers. »
Nicholson dut se défendre contre un rempart de critiques – esthétiques, pour certaines, sociopolitiques, pour l’autre moitié – au cours d’une émission de radio new-yorkaise populaire, diffusée sur WKCR - FM , la radio de l’université Columbia, qui opposa l’acteur à un jury composé entre autres de Richard Schickel (alors critique cinéma pour Life), Jacob Brackman (journaliste de la rubrique cinéma d’ Esquire ) et Jonathan Cott (assistant du rédacteur en chef de Rolling Stone).
Schickel, qui n’était pas très enthousiaste vis-à-vis du film, s’interrogea sur la scène où Hector et Olive faisaient furtivement l’amour sur l’étroit siège arrière d’une voiture de sport. N’était-ce pas une vision typiquement masculine du sexe ? Cette scène ne tendait-elle pas à exploiter l’image de la femme ?
Playboy se focalisa sur la même scène. Le journaliste du magazine trouvait qu’elle pouvait laisser entendre que Nicholson était « l’un des derniers hommes de la vieille école élevés dans l’idée selon laquelle le sexe était une chose sale – une chose que l’on faisait sur le siège arrière d’une voiture dans un drive-in ».
Nicholson dut s’expliquer au sujet de cette scène, ainsi que d’une autre, pour laquelle il s’était montré très enthousiaste au cours du tournage, celle où des sportifs nus faisaient des pirouettes en prenant leur douche. Avait-il exposé les attributs sexuels d’un acteur noir pour une raison qui relevait d’une forme inconsciente de racisme ? lui demandèrent les journalistes. Non, répondit-il avec colère.
Peu de temps après, Nicholson déclara à deux auteurs qui travaillaient sur le tout premier livre écrit à son sujet, Jack Nicholson : Face to Face, qu’il s’était senti écrasé par la façon dont la critique avait réagi face à Drive, He Said. « Je ne peux plus écrire. Je n’y comprends rien. Je n’ai jamais voulu être un artiste incroyablement populaire […] mais j’ai toujours pensé que quand on fait quelque chose de qualité on peut s’attendre à avoir en retour une réaction de qualité. »
Drive, He Said fut retiré du marché. Et il n’est à ce jour même pas disponible en format vidéo.
Le film avait pourtant des moments transcendants et une fin extraordinaire : Gabriel, devenu fou, traversant le campus à grandes enjambées en libérant sur son passage les reptiles et les insectes enfermés dans les cages des laboratoires. Tout ceci figurait dans le roman de Larner. Mais Jack avait ajouté la nudité de Gabriel, un éclair de génie. Puis
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