Jack Nicholson
Ses prestations en face à face avec les journalistes étaient dignes des Oscars. Il papotait avec les reporters, se montrant très bavard et souriant, mais sans jamais baisser la garde (toutes ces années passées à rechercher et à agiter des arguments avaient constitué un excellent entraînement). Il répondait aux questions à sa propre façon, une façon unique, très digressive, et ne laissait les journalistes lui couper la parole qu’à des moments très calculés. Il était le plus grand manipulateur de sa propre image.
La promotion était une bonne thérapie. La promotion était une autobiographie en constante évolution. La promotion était le script perpétuellement modifié mais jamais filmé. Et surtout, comme Nicholson avait une vision à l’ancienne de l’éthique de la publicité – bien qu’il eût une vision moderne de ce qu’il pouvait se risquer à dire durant les interviews –, la promotion était une affaire rentable.
Le troisième film de Jack qui sortit au cours de l’année mouvementée que fut 1971, A Safe Place, ou Un coin tranquille, marqua aussi les premiers pas de Henry Jaglom dans la mise en scène. Présenté au cours de l’automne, Un coin tranquille était un film qui traitait de magie avec Orson Welles, Tuesday Weld, Philip Proctor de la salle comique Firesign Theatre et une apparition spéciale de Nicholson.
Nicholson se sentait redevable envers Jaglom pour son amitié et pour Easy Rider. Or, ce film, sous la bannière de BBS , devait lancer Jaglom en tant que scénariste-réalisateur. Jaglom a depuis entrepris une carrière très productive et fait désormais partie des véritables excentriques du cinéma américain. La plupart de ses films sont à l’image d ’Un coin tranquille : hautement personnels, décousus et thématiques, généralement dénués d’intrigue et complètement dépourvus de tout cadre traditionnel de genre. Les gens adorent ou détestent ses films, un schéma qui a été mis en place avec Un coin tranquille.
Nicholson n’avait pas de scène avec Welles, l’une de ses idoles, qui dominait le film en multipliant les tours de magie. Jack devait quasiment se contenter de sourire de façon énigmatique à Tuesday Weld, dont le personnage traversait une vague crise psychologique. C’était tout ce que Jaglom avait demandé à Jack de faire – sourire.
Déjà, le « sourire qui tue » de Nicholson (une expression que la plupart des gens attribuent à l’ancienne rédactrice en chef de Vogue Diana Vreeland), répété depuis l’enfance, était devenu la partie la plus célèbre de la physionomie de l’acteur.
« Deux rangées de dents parfaites et sans couronnes étincelant tels cent soleils brillants en un sourire au charme aussi dévastateur que celui de John F. Kennedy », put-on lire dans Cosmopolitan.
Aljean Harmetz décrivit ce sourire, dans le Los Angeles Times, comme constitué de « deux rangées d’éblouissantes dents de requin ».
Dans le journal anglais Evening Standard, Alexander Walker écrivit quant à lui qu’il s’agissait d’« un large sourire éblouissant qui pouvait donner à Nicholson un air radieux comme un air de prédateur sexuel, ce qui le rendait à la fois charmant et dangereux ».
Il fut décrit dans le Time comme « un immense sourire, parfait, qui semblait vaciller comme la lumière du phare d’Eddystone ».
Naturellement, Nicholson était las de se voir décrit comme un homme petit ou un homme qui commençait à perdre ses cheveux. Mais il était parfois tout aussi las de l’emphase que l’on plaçait sur son parfait sourire, et il s’efforçait de faire remarquer qu’il ne s’agissait que d’un aspect de sa complexité.
« Les gens sont restés accrochés à mon sourire, a soupiré Jack au cours d’une interview. C’est tellement emblématique. »
Rafelson faisait partie de ces gens qui étaient restés accrochés à son sourire. Et il en avait vraiment marre de ce sourire. Il voulait voir Nicholson dans un film où il ne sourirait pas une seule fois. Il voulait voir Nicholson dans un film où il serait déprimé, réprimé, effondré. Laisser le public décider.
Rafelson allait à contre-courant de tout. Cinq pièces faciles avait été un succès relatif. Par certains aspects, on pouvait dire que ce film était doté de beaucoup d’éléments populaires. Cela tendait à lui hérisser le poil. Le réalisateur murmurait que pour sa part, il préférait le travail
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