Jack Nicholson

Gabriel, traîné dans l’escalier de la bibliothèque, nu et menottes aux mains, proclamait : « J’ai raison, je ne suis pas fou. » Nicholson avait réussi cette scène à la perfection, une scène qui laissait entrevoir sa future interprétation de Randale McMurphy, qui, lui aussi, aurait raison et ne serait pas fou… en un sens.
    Drive, He Said est parfois projeté dans les clubs de cinéma universitaires aux États-Unis ; et à Paris, où il est sort presque tous les ans, il est, depuis la Rive gauche, considéré comme un film courageux, authentique et dérangeant qui traite des évènements qui se déroulaient dans les campus américains dans les années 1960.
    La consolation prit les formes galbées de Michelle Phillips. Cette Californienne avait épousé John Phillips en 1962 avant de devenir l’une des chanteuses du groupe de folk-rock créé par son mari, les Mamas and Papas. La jeune pop star avait divorcé de Papa John en 1968 et, après avoir joué un petit rôle au Pérou dans le film au destin malheureux qu’était The Last Movie, avait été mariée au réalisateur, Dennis Hopper, pendant huit jours, en 1970.
    Jack était déprimé, et Michelle l’était aussi. Ils commencèrent à sortir ensemble, à être vus partout ensemble. Nicholson téléphona à Hopper, qui vivait à Taos, pour lui faire savoir qu’il était très amoureux. « Eh ben, bonne chance », aurait dit le réalisateur d’ Easy Rider à Jack. « De toute façon, c’est fini entre elle et moi. »
    Michelle refusait de venir s’installer chez Nicholson, et ce parce qu’elle avait une petite fille de 5 ans (Chynna) de son mariage avec John Phillips, mais aussi parce que, d’après ses propres mots, « l’idée de vivre avec lui était horrible, car il avait des habitudes qui semblaient inébranlables ». Ce n’était pas un problème : Jack acheta la maison qui se trouvait à côté de la sienne, l’une des deux autres résidences qui étaient situées dans le canyon privé où il habitait.
    Michelle était devenue la voisine de Jack (« C’était très bien, sauf que Jack était toujours en train de regarder par sa fenêtre pour voir ce que j’étais en train de faire ! »), qui l’aidait un peu dans ses tâches parentales – par exemple en emmenant Chynna à l’école maternelle.
    Les interviews étaient l’occasion pour Nicholson de déclarer son nouvel amour, de tester les paramètres de sa relation en public.
    « Alors que mes sentiments pour Michelle commençaient à se renforcer, je lui ai dit directement : "Écoute, je n’ai pas envie de m’interroger à chaque instant sur les progrès de notre relation. Vivons les choses au jour le jour." Et ça a magnifiquement bien fonctionné. J’essaie de continuer à ouvrir mon esprit, à grandir en tant qu’homme et à m’épanouir dans ma relation avec cette femme. J’ai vécu un certain temps sans aucune attache et je me rends compte que quand je suis avec quelqu’un, j’apprécie davantage mes réussites. »
    « J’aime partager des choses et apprendre à partager. Quand je suis tout seul, je suis bougon et négatif. Ce que je me dis en ce moment, c’est que la sexualité épanouie ne se satisfait pas tant de la promiscuité que de la communication continuelle avec une personne particulière. »
    La publicité étant essentielle au statut des grands hommes, Jack gérait sa carrière avec une grande intelligence.
    Au bon vieux temps, le système des studios prenait en charge tous les besoins promotionnels des acteurs. Les services publicité des studios organisaient les interviews, entretenaient les relations avec les journalistes, écartaient les scandales des colonnes des journaux. Mais les stars du cinéma n’avaient désormais plus de garde-corps et devaient gérer seules une presse « voyeuriste », les protections et la retenue traditionnelles ayant été laissées de côté.
    Jack jouait souvent à l’artiste peu disposé à se laisser interviewer (il donnait des interviews avec l’enthousiasme d’un homme sur le point de subir une petite opération de chirurgie, put-on un jour lire dans un magazine). Mais en réalité, il savait très bien tirer parti du jeu de la presse, et au cours de sa carrière Nicholson a sans doute accordé plus d’interviews que Robert Redford, Warren Beatty, Al Pacino, Dustin Hoffman et Robert De Niro réunis.
    Il faisait réellement preuve de génie lorsqu’il s’agissait de gérer son image.