Jack Nicholson

rédaction. Towne explique qu’il « refusa son offre de financement – pour mieux lui reparler de sa proposition un mois et quelques plus tard, dans le même restaurant, dans un contexte de business complètement froid ». (« La chose la plus intelligente que j’aie jamais faite », ajoute-t-il).
    Towne commença à travailler sur Chinatown, mais fut rapidement interrompu par un coup de téléphone de Gerald Ayres. La MGM s’était enfin décidée au sujet du Facteur sonne toujours deux fois . Le studio ne voulait pas de Michelle Phillips. Le remake de l’histoire de James M. Cain avait été sommairement annulé. La Columbia, qui avait hâte de disposer de Nicholson, dont l’emploi du temps était désormais libre, avait finalement accepté le script de Towne. Et Ayres avait invité Hal Ashby à venir à la Columbia pour réaliser La Dernière Corvée.
    Avec tout ceci, et, bien sûr, Chinatown qui se profilait à l’horizon, Nicholson serait occupé en tant qu’acteur pendant toute la durée de l’année 1973 et de l’année 1974.

7.

Les archives de la mémoire 1974
    Peut-être était-ce tout aussi bien que Le facteur sonne toujours deux fois eût été annulé. La fleur de la romance de Jack et de Michelle Phillips s’était déjà fanée. Michelle, à l’instar des autres petites amies de Nicholson, appréciait peu les infidélités de la star et sa vie nocturne très mouvementée.
    La maison de Nicholson était désormais devenue une attraction centrale, les grandes soirées qui y étaient organisées étant les plus courues de Hollywood. Ces soirées atteignirent leur apogée au cours des premières années qui suivirent Easy Rider, au moment où la sensation, nouvelle pour l’acteur, de disposer de tout l’argent qu’il pouvait désirer était symbolisée par une petite sculpture, un plateau ciselé ornant le salon de l’acteur, intitulée « La Leçon d’art ». Un soir, l’écrivain Richard Brautigan déchira un billet d’un dollar en deux et en lança une moitié sur le plateau. Cela devint un rituel. Tous les gens qui venaient chez Jack déchiraient la moitié d’un billet avant de la déposer sur le plateau, que Jack hissait au statut d’œuvre d’art.
    L’histoire de Jack à Hollywood peut être lue dans les cercles successifs des invités qui ont fréquenté ses fêtes. D’éminentes personnalités issues d’autres milieux, avec qui Jack avait fait connaissance ou s’était lié d’amitié, étaient dispersées dans la foule des convives. Tous ses amis qui travaillaient sur son dernier projet cinématographique étaient toujours présents. Et il y avait des tas de jolies jeunes femmes, et des myriades de gens dont le passage dans la vie de Jack était éphémère mais qui amusaient vaguement la star ou la flattaient.
    Mais dans le premier cercle, cependant, figuraient toujours les vieux amis de l’époque de Jeff Corey et des ateliers d’acteurs, qui se sentaient complètement à l’aise en présence de Jack, très proches de lui, quoique étrangers à la débauche ambiante.
    « J’ai remarqué que plus Jack avait de succès, explique Henry Jaglom, plus il était important pour lui, bizarrement, et surtout dans les premières années de son succès, que les gens qui assistaient à ses fêtes soient les mêmes gens qu’avant. Je crois que c’était ces gens-là qu’il préférait, vraiment ; que bizarrement, il ne pouvait faire confiance qu’aux gens qu’il avait connus avant. »
    Les hommes (plus que les femmes) qui appartenaient à sa famille de substitution refusaient de reconnaître qu’il était devenu un acteur américain important, car le fait d’accepter cette idée aurait mis davantage de distance entre lui et eux. Ils avaient l’impression de le connaître mieux que les autres, sur un plan personnel. Jack n’avait pas changé, insistaient-ils. En particulier quand vous étiez seul avec lui : il était resté le même.
    « Quand j’étais avec Jack, dit Jaglom, j’arrivais à le faire parler de sa vie privée, mais seulement quand on était seuls. La différence entre les moments où nous étions seuls et ceux où il y avait une troisième personne dans la pièce était énorme. Mais pourtant, même quand on était seuls, il gardait toujours une sorte de carapace qui m’empêchait de creuser trop profond. »
    Bien sûr, les vieux amis de Jack réussissaient à voir la star seuls, quand elle n’était pas en plein tournage ou en train