Jack Nicholson
était capable d’inhaler de très grandes quantités de drogue. Lors de certaines réunions, Nicholson, les yeux vitreux, s’exprimait de façon incohérente. Les conférences sur les productions pouvaient être interrompues par de fréquents déplacements aux toilettes, aussi bien que par des conversations téléphoniques avec de vieux amis.
Contrairement à d’autres personnes, à Hollywood et ailleurs, qui succombèrent au pouvoir destructeur de la drogue, Jack jura de continuer de poursuivre ses projets. Il disait à ses amis qui lui faisaient part de leurs inquiétudes au sujet de ses excès qu’il n’était pas question pour lui de perdre de vue ses objectifs professionnels.
Individu doté d’un bon caractère et d’une nature extrêmement excentrique, Hal Ashby, jeune homme, était venu à Hollywood en stop depuis l’Utah et avait décroché son premier poste dans l’industrie du cinéma grâce à l’agence pour l’emploi de l’État : préposé à la photocopieuse. Il avait ensuite connu une belle ascension : après des années passées dans des salles de montage avec William Wyler et George Stevens, il avait fini par remporter un Oscar pour le montage de Dans la chaleur de la nuit. Lorsqu’il se lança dans la mise en scène, sa sensibilité se révéla en parfait accord avec son époque, et sa carrière connut son apogée avec une remarquable série de films, dont Harold et Maude, La Dernière Corvée, Shampoo, En route pour la gloire, Retour et Bienvenue Mister Chance. Ashby fut l’un des grands réalisateurs américains des années 1970, mais il s’autodétruisit, devenant l’une des plus malheureuses victimes de la vie de patachon.
Quand ils apprirent que Rupert Crosse avait un cancer en phase terminale (il mourut en mars 1973), les membres de l’équipe de production durent se dépêcher de trouver un nouvel acteur pour le rôle du marin noir, Mulhall (ou « Mule »). Otis Young, qui était un comédien assez solide, prit la place laissée vacante, mais cet acteur ne partageait pas la même intimité avec Jack, et le point de mire du film se déplaça vers ce dernier. Si bien que du fait, en partie, des circonstances, La Dernière Corvée devint une vitrine plus importante encore pour la star.
Ayres, Ashby et Nicholson préféraient dénicher un inconnu pour le troisième membre du trio, le kleptomane Meadows, qui est condamné à huit ans de prison pour avoir volé dans la caisse de fonds destinés à la lutte contre la polio, l’action caritative préférée de la femme du capitaine. Ashby et Ayres auditionnèrent plusieurs acteurs. Un jeune et grand comédien nommé Randy Quaid, qui avait un air imbécile, retint leur attention. Mais aucune décision ne pouvait être prise avant que Quaid ne se soit révélé compatible avec Nicholson.
Une rencontre fut organisée dans la villa de bord de mer d’Ashby. Nicholson se montra d’une grande politesse, comme à chaque occasion professionnelle. Il resta allongé sur une méridienne pendant la plus grande partie de la réunion, regardant la télévision du coin de l’œil et papotant nonchalamment. Juste au moment où Quaid allait partir, Jack se leva d’un bond et lui serra la main. Ashby lui avait bien dit que Quaid était très grand (1,95 m), mais Jack (1,81 m) le constatait par lui-même pour la première fois.
Cette différence physique est soulignée dans la scène où Meadows, assis les menottes aux mains, rencontre ses deux gardes et se lève pour la première fois. « Jack est très courageux, commente le producteur Gerald Ayres. Il n’a pas cherché à se protéger comme le font toutes les stars. Il était très conscient de cette disparité, et il l’a utilisée dans le film, il en a joué. »
Le tournage de La Dernière Corvée débuta en novembre 1972 et se déroula à Toronto, Washington, et dans divers lieux de la côte Atlantique, terre natale de Nicholson.
Pour ce qui était des acteurs, la méthode d’Ashby était le « laisser-faire » (méthode préférée de Jack). Le réalisateur mettait en place l’environnement et regardait les acteurs accomplir leur travail. Ashby faisait preuve d’une grande simplicité visuelle : il laissait les scènes se créer plus ou moins d’elles-mêmes. Son style consistait à observer à travers un cadre ouvert et à permettre aux acteurs de se mouvoir librement dans cet espace. Ses gros plans étaient modestes, ses retours en arrière et ses autres
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