Jack Nicholson

fenêtre, une livreuse de Magic Pan aux cheveux bouclés – une actrice en herbe – répondant au nom de Mary Steenburgen entra dans la pièce. Nicholson tomba sous le charme de Steenburgen et passa les deux heures suivantes à lire des scènes avec cette native de l’Arkansas âgée de 24 ans. Steenburgen fut envoyée à Hollywood et auditionnée dans les locaux de la Paramount (c’était la première fois qu’elle mettait les pieds dans un studio). Elle charma toutes les personnes qu’elle rencontra. Gittes, le coproducteur, déboucha une bouteille de champagne et lui dit qu’elle était embauchée.
    « La découverte de Steenburgen, c’était le genre de chose qui aurait pu se produire dans le bon vieux temps du rêve de la côte ouest », faisait observer un journaliste qui s’était rendu sur le tournage de En route vers le sud pour le journal anglais Times. « Un homme pouvait être en train de se promener, apercevoir une fille dans une fontaine de soda et lui donner un rôle. »
    En route vers le sud fut tourné dans la ville mexicaine de Durango à la fin de l’été et au début de l’automne 1977. Durango, qui était censé évoquer le Texas de 1868 dans le scénario de Moon Trap, était l’un des lieux de tournage préférés de John Wayne si bien que son fils y avait fait construire une ville de briques et de paille typique des westerns qu’il louait aux producteurs de Hollywood. Ainsi, le décor de Chisum devint celui de En route vers le sud. La principale tâche du directeur artistique Toby Rafelson fut de « changer les couleurs et les panneaux des façades, masquer et rajouter certaines choses, notamment une potence sur la grand-place », d’après le chef opérateur Nestor Almendros.
    La façon dont Nicholson se prépara à son travail de réalisateur impressionna Almendros, qui avait été le directeur de la photographie de Truffaut et que Jack avait rencontré pour la première fois à Cannes, où il était présent pour la promotion des westerns de Monte Hellman en 1966. Nicholson et Toby Rafelson achetaient des beaux livres pour étudier les œuvres de Charles Russell, Frederic Remington et « surtout Maynard Dixon, qu’ils examinèrent et étudièrent en détail. Maxfield Parrish les inspira aussi avec ses bleus et ses oranges de couchers de soleil combinés de façon surprenante. »
    Nicholson avait rassemblé des acteurs secondaires qui appartenaient à sa troupe non officielle : Danny DeVito, Christopher Lloyd, Veronica Cartwright, Ed Begley Jr, et plusieurs amis de l’époque Jeff Corey, notamment Jeff Morris et Luana Anders. John Belushi, de Saturday Night Live, qui avait singé Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucou dans sa populaire émission parodique, avait signé pour faire ses débuts à l’écran dans le petit rôle d’un shérif mexicain.
    À Durango, l’acteur-réalisateur Nicholson vivait dans un ranch où tous les soirs on dressait la table pour un grand dîner ou une fête improvisée. « Il y a généralement Ruth Etting qui passe en boucle et des lasagnes au menu », relatait un journaliste anglais de Times.
    Nicholson mettait en vitrine l’ambiance familiale, mais Belushi était une note discordante dans le tableau. D’un côté, Jack avait envie d’apprécier le comique, dont la popularité était en plein essor. Belushi fanfaronnait et posait, mais c’était quelqu’un de fondamentalement gentil, le genre de personnes que Jack aimait prendre sous son aile. Et Belushi voulait apprécier Nicholson ; il était fasciné par l’acteur et son savoir-faire. Belushi glanait des conseils, au fil des conversations, sur les avantages qu’il pourrait demander aux producteurs quand il signerait ses prochains contrats d’acteur.
    Cependant, Belushi était soupe au lait. Il faisait des caprices et se disputait avec les producteurs de En route vers le sud, en particulier Harold Schneider, dont la mission consistait à ne jamais plier lors des disputes. Le comique de télévision devint de plus en plus maussade à mesure que le tournage avançait, et, en partie à cause de son comportement, son rôle perdit de l’épaisseur. Belushi eut alors le sentiment d’être exclu des diverses listes de personnes invitées au ranch de Nicholson.
    Par ailleurs, Belushi se fourrait d’importantes quantités de cocaïne dans le nez. Nicholson était mal placé pour sermonner le comédien. Mais en privé, Jack râlait souvent contre les gens comme le