Jack Nicholson
ajoutait-il.
Pauline Kael, dans le New Yorker, tourna le film en dérision, jugeant que Nicholson était « un acteur stupide, un leprechaun paillard » tout en se plaignant du fait qu’il « parlait comme s’il avait besoin de se moucher – ce qui doit correspondre à l’idée qu’il se fait d’une voix amusante ».
Ces critiques lui restèrent en travers de la gorge. Et comme elles dépassaient les limites du film pour s’attaquer à son intégrité, il les prit encore plus mal que celles de Drive, He Said. Quand, plusieurs années plus tard, un journaliste d’ American Film , le magazine de l’American Film Institute, évoquerait le sujet d’ En route vers le sud et de la consommation de drogue de Nicholson à l’occasion d’une interview, l’acteur répondrait avec humeur :
« Oui, je fume du cannabis ! Vous voulez me voir en train de le faire ? Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Que je parle des statistiques ? Vous voulez que je lise un passage de la loi ? Vous voulez que j’en remette une couche ? »
Qu’avait-il à dire au journaliste du magazine pour la défense de « l’étrange son nasillard de sa voix » dans En route vers le sud ?
« Il y a des plaisanteries qui ne me font pas rire. Je ne suis pas un artiste qui fait dans la caricature – je n’ai jamais compris ce genre d’humour…»
« Et vous voulez que là, maintenant, je réponde honnêtement à votre question et que je vous dise si j’ai pris cette voix pour faire des private jokes sur la coke ? Vous devriez choisir un métier moins sérieux que la communication. C’est une projection de l’esprit tragique et non fondée dont je suis victime. »
Et tout de suite après, d’après le journaliste d’ Americain Film, « il poussa sa tête vers l’avant de façon effrayante ». Il n’avait pas dit son dernier mot : « Ce n’est pas nasal du tout, c’est glottal, un truc du Missouri que Clark Gable avait, c’est comme ça que parlait Clark Gable, vous voyez. »
Les critiques, en se focalisant sur une petite partie du corps, le nez, ne profitèrent pas de la vision d’ensemble des choses. Si Nicholson avait eu peine à s’extirper de Moon Trap, il avait réussi à réaliser une alternative étonnamment personnelle. Ce western, aussi enjoué et sympathique que Moon Trap aurait été sinistre et fataliste, lui permettait de dire ce qu’il avait sur le cœur. Il avait sûrement adoré le nom du personnage : Henry Moon. Son En route vers le sud est une sorte de doigt d’honneur à Hollywood xlv .
Était-il raisonnable, de la part des critiques qui n’avaient pas aimé le film, de laisser entendre que la drogue – que l’acteur s’était vanté de consommer pendant des années – avait affecté la mise en scène, embrouillé la continuité, exagéré le jeu de Jack ?
Le changement dans son jeu d’acteur, le passage du réalisme étroitement contrôlé aux traits plus grossiers et comiques, déconcerta beaucoup de critiques. Mais il y avait déjà des germes de ce changement dans ses précédents rôles, et les choix et les idées de Jack étaient toujours très réfléchis. La volonté de chercher à atteindre les extrêmes, dans le drame comme dans la comédie – ou dans la vraie vie – était pratiquement devenue une idéologie chez lui.
Henry Moon était l’audacieuse métamorphose de Jack en Gabby Hayes (une façon pour l’acteur obstiné de jouer tant bien que mal le vieux bouc de Moon Trap). Henry Moon, c’était Jack gonflé jusqu’à atteindre la taille d’un ballon de la Thanksgiving Day Macy’s Parade, un visage familier, mais bizarrement déformé. N’était-ce pas aussi pour Jack un moyen de faire un doigt d’honneur aux attentes des critiques ?
Il y avait dans sa prestation une véritable maîtrise du divertissement populaire qui fit grincer des dents les critiques. L’instinct qu’avait Nicholson pour rassembler les foules les avait toujours divisés : l’acteur faisait celui qui bout intérieurement, jouait les mimiques de surprise, faisait des chutes sur le postérieur aussi bien que tout le monde. Mais dans En route vers le sud, il déploya tellement de tics et de grimaces que l’on était en droit de se demander s’il n’allait pas épuiser la réserve.
Il est vrai que Nicholson dominait ; tant et si bien que la distribution d’ensemble de En route vers le sud était relayée au second plan. Les débuts tant attendus de Belushi au
Weitere Kostenlose Bücher