Jack Nicholson

semi-autobiographique de Bob Fosse, Que le spectacle commence. Par la suite, Rafelson fit un geste publicitaire démodé – il affirma qu’il avait écrit le nom de l’actrice sur un morceau de papier qu’il avait glissé dans une enveloppe cachetée avant que le casting officiel ne débute, et déclara que quelques mois plus tard, il avait remis l’enveloppe à sa star comme un signe de la confiance qu’il avait en elle.
    Pour le rôle pivot du mari de Cora, Nick Papadakis, Rafelson auditionna huit hommes, et notamment le réalisateur (et ex-comédien du Group Theatre) Elia Kazan. Puis le réalisateur se souvint d’un acteur de genre nommé John Colicos qu’il avait vu interpréter Cyrano de Bergerac sur la scène new-yorkaise une vingtaine d’années plus tôt. On alla chercher l’acteur au Canada, et après une série d’essais filmés, Colicos se vit attribuer le rôle.
    Pour l’aider, derrière la caméra, à recréer l’atmosphère des années 1930 (le roman était situé en 1934, année où il avait été publié), Rafelson choisit Sven Nykvist, le chef opérateur d’Ingmar Bergman. Il fut décidé que l’image serait dans les tons ocre, « tel que l’œil voit les choses », d’après Nykvist. Nykvist décida de viser « une très large profondeur de champ et de forts contrastes qui laisseraient néanmoins place à la possibilité d’une histoire d’amour, un peu comme du Gregg Toland en couleurs ».
    La direction artistique fut confiée à George Jenkins, homme dont la carrière s’étendait à Broadway, à la télévision et au cinéma, et qui avait remporté un Oscar pour son travail artistique sur Les Hommes du président. Cain avait situé son roman à « Sunland », près de Glendale, mais cette région était devenue trop urbaine. Jenkins décida donc de quadriller la Californie du Sud en hélicoptère et il finit par trouver un décor ouvert isolé qui répondait aux nécessités historiques du roman, au nord de Santa Barbara.
    Aux alentours du lac Cachuma, sur une crête située aux contreforts de la montagne, près d’une vieille route autrefois empruntée par les diligences, Jenkins fit recréer une station Shell dans le style des missions de Californie, ainsi qu’une maison de bois californienne à la Greene and Greene. Il y avait déjà un chêne noueux ; il fallait en planter un autre pour justifier le nom du café de bord de route de Cain, Twin Oaks xlvii .
    Pour se préparer à son rôle, Nicholson lut Le Chant du bourreau, roman de Norman Mailer récompensé par le prix Pulitzer. L’acteur fut frappé par ce qu’il perçut comme des similitudes entre le personnage de Frank et Gary Gilmore, le personnage central du pavé de Mailer, un assassin vide et impitoyable qui fut exécuté par l’État de l’Utah en 1977.
    Parmi les détails physiques que Nicholson décida d’adopter, il y avait la barbe de trois jours qu’il garda quasiment tout au long du tournage, ainsi que la Camel qui pendait à ses lèvres. Jack arborait également une bedaine bien ronde, et ce deux années avant celle, très commentée, qu’il exposerait dans Tendres passions. Son besoin de se présenter de façon très débraillée pour certains rôles, en particulier ceux où il apparaissait comme un objet sexuel, s’était encore renforcé depuis qu’il était devenu célèbre. Nicholson et Rafelson se disputaient toujours à ce sujet, et Nicholson avait toujours le dernier mot.
    Nicholson n’était pas insensible aux vibrations de Camus, mais pour lui les années 1980 avaient davantage de liens avec le sexe et les problèmes familiaux. Ce qui rendait Le facteur sonne toujours deux fois attrayant aux yeux de l’acteur, c’étaient « les éléments extrêmement sexuels et les réalités sexuelles », expliqua-t-il à l’occasion d’une interview. La sexualité était de plus en plus fréquemment l’élément qui l’incitait à choisir tel ou tel rôle. « C’est un domaine de la comédie que je n’ai vraiment pas assez exploré, notait-il, et c’est ça qui fait tout l’intérêt du rôle pour moi. Il n’est pas exclusivement composé d’éléments sexuels ou érotiques, mais ces éléments sont sous-jacents à tout ce qui se produit dans l’histoire. J’avais envie de m’immerger un peu plus dans ce domaine à l’aide d’un matériau approprié. »
    Comme toujours avec Rafelson, Nicholson s’impliqua plus qu’à son habitude dans le tournage en donnant son avis