Jack Nicholson
tournée dans une cafétéria abandonnée qui était devenue le saloon des années 1890 où la malheureuse Helen revivait ses rêves brisés de gloire musicale.
« On attendait tous avec impatience la première apparition cinématographique de Meryl dans le rôle d’une chanteuse », se souvient Kennedy. « He’s Me Pal, sa chanson, elle a dû la chanter au moins quinze fois avec les répétitions et les prises, la dernière prise étant, sans aucun doute, la meilleure, et celle qui a été utilisée. Mais dès la première répétition, elle nous a tous bluffés – nous, les figurants, les techniciens, tous les gens qui avaient pleuré, ri, applaudi devant ses prestations. »
Comme à son habitude, Nicholson préférait se faire ses propres opinions, rester décontracté et travailler de façon intuitive sur le plateau. Il ajoutait à son personnage des couches successives de détails extérieurs tout en creusant au fond de lui-même. Comme toujours, il rechercha la laideur. Il effaça son célèbre visage – ses sourcils en accents circonflexes, ses cheveux en bataille, son sourire étincelant. Il se présenta dissimulé sous un costume trop large, le visage pâle, à peine visible derrière les rebords d’un chapeau et un col remonté.
L’acteur semblait vraiment très corpulent pour un SDF (la scène du surpoids de Nicholson dans la baignoire est vraiment très remarquable pour son absence de tentative de dissimulation) et était à peine reconnaissable. D’ailleurs, plus tard, après la sortie d’ Ironweed dans les salles, Janet Maslin du New York Times se plaindrait du fait que la barbe de trois jours et le costume de vagabond que Nicholson portait dans le film le rendaient « presque méconnaissable par moments ».
Nicholson dut faire de gros efforts pour se mettre dans la peau de son personnage. « Le deuxième jour du tournage, on a fait la scène de la salle de bain dans laquelle il voit les fantômes, se souvient Babenco. Il était couché sur le sol, le visage entre les toilettes et le mur. Les toilettes étaient très sales et sentaient mauvais – on n’était pas en train de faire un film chic, hein ? – et Jack était replié dans un coin comme un enfant en position fœtale. Il était en train de se préparer. »
L’acteur arpenta la rue en long et en large une bonne quinzaine de fois avant de se sentir prêt à jouer la scène où Francis Phelan retourne chez lui vingt-deux ans après son départ et fait face à sa famille, si l’on en croit le réalisateur. « Cette dignité, cette douleur et cette culpabilité !, a dit Babenco lors d’une interview. Il ne savait pas quoi faire de ses mains. Il se sentait comme une merde, comme un vieux torchon. Qu’est-ce qu’il se passe dans la tête de l’acteur ? Je n’en sais rien. Je n’ai jamais demandé. C’est son affaire, vous savez. »
Le charme n’avait pas opéré dans La Brûlure, mais cette fois-ci, Nicholson et Streep s’inspirèrent mutuellement. Entraînés par le destin, leurs deux personnages restaient accrochés l’un à l’autre. Parallèlement, l’acteur et l’actrice, dépourvus de tout glamour (Francis Phelan mettait un point d’honneur à se décrire comme un homme « périmé » d’un point de vue sexuel), semblaient indissociables l’un de l’autre, complètement désintéressés dans des scènes qui étaient intenses et d’une tristesse absolue.
« Il y a une véritable alchimie entre l’intuition de Jack et l’obsession de la perfection de Meryl, faisait remarquer Babenco. Quand on analysait leurs scènes pendant les rushs, on pouvait voir Jack se déplacer pour cacher la lumière qui arrivait sur le visage de Meryl en passant par-dessus son épaule et Meryl lui demander quelque chose au moment où il bougeait pour que la situation paraisse plus naturelle. Ils jouaient ensemble comme des amants. Ils ne voyaient pas le temps passer quand ils travaillaient ensemble. »
Les critiques ne proclamèrent pas tous en chœur qu’ Ironweed était un chef-d’œuvre lorsque le film sortit dans les salles à la fin de l’année 1987. « Ennuyeux et dépourvu d’action » fut le dur jugement que Janet Maslin prononça dans le New York Times. Variety se plaignit pour sa part du fait qu’ Ironweed n’était pas un film important mais un film suffisant et larmoyant, et compara les scènes fantasmagoriques des spectres à des « sortes de séances chamaniques binaires ».
Mais le
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