Jack Nicholson
film gagna néanmoins beaucoup d’admirateurs. Nicholson reçut cette année-là des New York Film Critics la récompense du meilleur acteur (il avait été nominé pour Ironweed , Broadcast News et Les Sorcières d’Eastwick ). Et les membres de l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences nominèrent Nicholson et Streep aux Oscars du meilleur acteur et de la meilleure actrice pour leur travail sur Ironweed.
Il faudrait attendre longtemps pour que Jack fasse un autre film sur la paternité. Ironweed était digne d’une capsule temporelle : l’une des interprétations les plus personnelles, et en même temps l’une des interprétations les plus communes de Nicholson, à ranger parmi ses prestations inoubliables.
Francis Phelan fut son Jack LaMotta, Ironweed son Raging Bull implosif. Comme De Niro, Jack s’était transformé dans le rôle. Comme Jack LaMotta dans sa vie, Francis avait confondu guerrier et victime. Comme Raging Bull, Ironweed était une allégorie religieuse – sur « l’expiation du péché », d’après les mots de Nicholson. Les deux films descendaient dans les profondeurs des ténèbres et ne demandaient ni pitié pour leurs personnages peu sympathiques, ni compréhension. Juste de l’acceptation, de la compassion et un amour inconditionnel.
Si, en 1985, Jack avait réussi à communiquer l’impression qu’il souhaitait préserver son intimité et qu’il « accordait rarement des interviews », comme on put le lire dans le Los Angeles Times, il avait également réussi à donner l’impression contradictoire d’être constamment sous les yeux du public et d’être devenu l’un des visages les plus familiers du monde.
On aurait dit que Jack Nicholson était partout à la fois, à Paris et à Londres, en train de montrer ses fesses à un paparazzi dans le sud de la France, de skier en Suisse et à Aspen, et de se promener à Hollywood.
Cette impression était sans doute en partie due au fait que lorsque la National Basket-ball Association prit son essor au début des années 1980, soulevant une vague de popularité grâce à de jeunes sportifs phénoménaux tels que Larry Bird, Magic Johnson et Michael Jordan, et lorsque la télévision augmenta sa couverture des évènements sportifs, en diffusant notamment un inhabituel pourcentage de matchs des Los Angeles Lakers, on aurait dit que Jack faisait toujours partie des spectateurs. Ironiquement, donc, l’acteur qui méprisait la télévision était devenu un point fixe du petit écran.
Il réservait au moins deux places à 125 dollars pour chaque match des Lakers (lorsqu’il ne pouvait pas assister à un match, les Lakers lui envoyaient une cassette vidéo par courrier express, avec les commentaires de Chick Hearn en voix-off). Quand les Clippers s’installèrent à Los Angeles, Jack prit des billets pour la saison des matchs de l’équipe de l’autre côté de la ville afin de pouvoir également avoir sa place au premier rang quand les Clippers affronteraient les Lakers.
À la plupart des matchs des Lakers, donc, on pouvait voir Jack Nicholson, assis, les bras tranquillement croisés, se tenant la tête entre les mains, ou parfois hurlant à l’attention de l’arbitre. Sa visibilité améliorait son image plus qu’elle ne la détériorait : avant les matchs des Lakers, la foule se divisait dans une vague de murmures pour le laisser passer, si bien que l’on aurait dit Moïse ouvrant la mer Rouge.
Il ne se conduisait pas toujours bien – on dit qu’un jour où les Lakers avaient subi une humiliante défaite, il aurait montré ses fesses à des centaines de supporters des Celtics au Boston Garden. Il n’existe (hélas) pas d’enregistrement vidéo qui aurait permis de le prouver. Mais Red Auerbach, le vénérable entraîneur des Celtics, en fut très offensé et se plaignit par la suite auprès d’un journaliste de Sport Illustrated : « J’ai vu beaucoup de supporters dans ma vie, et il me semble qu’il y a quand même une différence entre être un trou du cul et être un supporter. »
L’entraîneur des Lakers, Pat Riley, n’appréciait pas tellement les polissonneries de Nicholson, lui non plus. Si Nicholson était ami avec Magic, Kareem et tous les autres grands joueurs, comme à l’époque du lycée, il ne s’entendait pas toujours très bien avec leur sérieux entraîneur. Les deux hommes se montraient l’un envers l’autre courtois, mais froids, ce qui explique en partie pourquoi
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