Jack Nicholson

n’étaient pas à leur place.
    Petit garçon, Jack, comme le confirme sa sœur Lorraine, « avait un caractère qui pouvait secouer la maison comme un tremblement de terre ». Puni pour une entrave aux règles familiales, le jeune Jack montait à l’étage quatre à quatre, donnait des coups de poing dans le mur et claquait la porte sans cesser de crier « Bon sang ! Bon sang ! », terrorisant, mais divertissant aussi, son public familial.
    « Jack pouvait s’énerver à un tel point qu’il n’arrivait même plus à parler, a expliqué Lorraine à l’occasion d’une interview, alors quand il tape du poing sur le volant du camion dans l’une des scènes de colère de Cinq pièces faciles, ou quand il claque les portes et hurle des insultes à Ann-Margret dans Ce plaisir qu’on dit charnel, ces scènes sont comme des flash-backs pour moi. »
    Le jeune garçon pouvait se montrer aussi doux et timide qu’il était parfois violent et rebelle. Il aimait beaucoup regarder la télévision (les voisins se souviennent qu’Ethel May fut l’une des premières du quartier à acquérir un poste de télévision). Il avait des divertissements de petit garçon de son âge : il collectionnait les cartes de base-ball et les comics (en particulier ceux de DC , maison d’édition de son méchant préféré, ce maître de la ruse et des bottes secrètes qu’est le Joker ; et EC , éditeur des célèbres comics fantastiques qui influenceraient également Stephen King). Un jour, on demanda à Jack de se rendre chez l’épicier pour acheter du beurre et du lait. Il dépensa l’argent en Prince des Mers, Torche Humaine, Captain Marvel et Batman. Quand il rentra à la maison, ses comics lui furent confisqués et il reçut une bonne fessée.
    Il faisait tout ce que font les petits garçons – il pêchait le crabe, il jouait au flipper et il s’essaya à presque tous les sports, en particulier le basket-ball, le football américain et le base-ball. Jack avait beau ne pas être un bon frappeur, il n’en était pas moins un excellent voltigeur. L’un de ses anciens camarades de quartier se souvient qu’il le choisissait toujours en premier lorsqu’il devait constituer une équipe pour la Little League car Jack était un artiste qui « était capable de faire deux runs avant que ce soit notre tour d’être à la batte. Il pouvait réussir à vous convaincre de n’importe quoi ».
    Le samedi était le jour du cinéma. Qu’il pleuve ou qu’il neige, les enfants se rendaient au Palace Theater de Bradley Beach. Il fallait débourser 9 cents pour voir l’ensemble des séances de la matinée. Une boîte de Good N Plenties coûtait 6 cents et un seau de popcorn 1 dime. Jack et ses amis collectaient sans doute les bouteilles de coca et de bière pour les mettre à la consigne. Ou peut-être Ethel May gardait-elle à la maison une boîte remplie de pennies et acceptait-elle que Jack aille y fouiller de temps en temps pour prendre de quoi s’acheter des places de cinéma et des friandises.
    À l’époque de son enfance, les feuilletons étaient populaires, en particulier les westerns avec Roy Rogers et Dales Evans, Gene Autry, Hopalong Cassidy. Les enfants essayaient de ne jamais rater un épisode. Et après avoir vu un feuilleton de ce type, Jack et ses amis aimaient aller se cacher dans les bois qui se trouvaient derrière le cinéma pour jouer à se tuer les uns les autres avec de faux revolvers.
    Le premier film qui a marqué l’esprit de Nicholson est La Route semée d’étoiles, avec un Bing Crosby apparaissant sous les traits d’un prêtre. C’était en 1944 ; Jack n’avait que 7 ans (le prix, pour un film, était de 25 cents). Si Jack et ses amis aimaient un film, il leur arrivait d’aller le voir plusieurs fois de suite. On dit qu’il serait allé voir The Babe Ruth Story cinq fois au cinéma. Tout petit déjà, Jack était un bon orateur ; il réussit à convaincre le principal de son école primaire de laisser sa classe partir en excursion pour aller voir Jupiter, une suite de Mon amie Flicka. Jack appuya sans doute ses arguments sur les qualités littéraires du film.
    Son école, la Theodore Roosvelt Elementary de Neptune City, était située à plusieurs rues de sa maison. Nicholson s’est souvenu au cours d’une interview que lorsqu’il était en classe de huitième, il s’était un jour mal comporté et avait été envoyé au coin près du tableau, où, pour continuer de faire le clown,