Jack Nicholson

Bradley Beach. On peut lire sur les registres de l’église que sa date de naissance est 1938, et non 1937, une erreur qui doit sans doute être mise sur le compte du curé. Il fut enfant de chœur, fit sa première communion et fut confirmé.
    Cet enseignement religieux prit fin à l’époque où Jack était au lycée, mais Ethel May (la seule personne de la famille qui n’avait pas embrassé la foi catholique et était restée protestante) s’assura que June, Lorraine et Jack fussent élevés conformément aux principes de la religion de son inconstant mari.
    Se décrivant comme un agnostique en 1992, Nicholson fit à Vanity Fair une étonnante confession : enfant, il s’était « intéressé de « lui »-même au catholicisme », théologie qu’il admirait. Nicholson déclara au journaliste du magazine que le catholicisme était « la seule formation dogmatique officielle qu’il ait jamais reçue ». « J’aime cette religion. Elle est intelligente », ajouta-t-il.
    Tout comme plusieurs autres aspects des racines de Jack, le catholicisme s’infiltrerait dans les futurs films de l’acteur. Le fatalisme qui caractérise la plupart de ses personnages peut être mis en relation avec la religion de son enfance. La culpabilité qui imprègne Ironweed est aussi catholique que le pape. Et on peut dire que, en particulier dans ses choix des années 1970, Nicholson a montré un penchant pour des rôles qui évoquaient directement des thèmes liés à la responsabilité sociale, une éthique fraternelle modelée par son éducation catholique.
    Mais c’est sans doute dans la réaction à certaines orthodoxies que l’influence catholique est la plus visible dans la vie et l’œuvre de Jack. Au cours de son enfance, l’Église se montrait inflexible dans son attitude vis-à-vis des femmes, du mode de vie de la famille et des comportements sexuels. Jack a mis un point d’honneur à attaquer la moralité conventionnelle du cinéma et à adopter, à la ville comme à l’écran, une position subversive (ce qui est peu dire) vis-à-vis des femmes, de la famille, du mode de vie et du sexe. Aucune star de cinéma contemporaine n’a pris autant de plaisir à se montrer sacrilège dans sa philosophie et sa conduite.
    Quand le temps fut venu pour Jack d’intégrer le lycée, Ethel May s’installa à Spring Lake, à environ 8 kilomètres au sud de l’autoroute de la côte. Ce déménagement mit une certaine distance entre Jack et la région de plus en plus agitée d’Asbury Park – et rompit le contact quotidien avec les gens qui pouvaient encore parler à voix basse des liens unissant la naissance de Jack et la lointaine grossesse de June.
    Spring Lake était la proverbiale ville oubliée, une cité de carte postale arrangée autour d’un lac situé non loin de l’océan Atlantique, aussi animée durant la belle saison que sinistre les mois d’hiver – à l’instar de l’hôtel de Shining. Spring Lake ne possédait aucune des attractions commerciales d’Asbury Park. Il n’y avait ni chambres chez l’habitant ni divertissements planifiés. C’était une jolie ville côtière pittoresque à l’architecture spectaculaire, qui comptait des hôtels, des spas et de grandioses maisons avec vue sur la mer, dont bon nombre arboraient un drapeau irlandais.
    Toutes les petites villes du bord de mer étaient imbriquées les unes dans les autres, mais dans la hiérarchie sociale de la côte du North Jersey, Spring Lake était située au-dessus de Neptune et Belmar, mais légèrement en dessous de Sea Girt (l’été, les enfants de Sea Girt, ville qui n’était pourtant qu’à quelques kilomètres de Spring Lake, ne pouvaient généralement pas voir leurs amis de cette dernière ville). Par ailleurs, en étant domicilié à Spring Lake, Jack put intégrer le district scolaire de Manasquan, l’un des meilleurs lycées de la région.
    Les Nicholson continuaient de vivre modestement, à quelques pas d’une voie de chemin de fer, dans un appartement sans ascenseur de Warren Street qui donnait sur un kiosque à musique et un jardin public. Ethel May put offrir ses services de coiffeuse à des femmes aisées. Et Jack pouvait jouer sur deux tableaux, être l’étranger qui se mêlait à l’élite sociale, se transformer en Monsieur Tout-le-monde en apprenant à s’intégrer partout.
    Car il était évidemment en bas de l’échelle sociale. Ses amis se moquaient des encombrantes machines de coiffure qui se