Jack Nicholson

est excitée ; lui, apathique, semble s’ennuyer. Tout ce que les spectateurs voient, c’est un Gittes dépourvu d’enthousiasme qui demande à sa partenaire de se pencher alors qu’il se prépare à la prendre par derrière (l’acte avait vraiment eu lieu hors champ).
    La conversation entre Gittes et Khan (James Hong), le serviteur de Mulwray au visage impassible qui est l’un des personnages récurrents de Chinatown, était tout aussi caractéristique.
    Khan demande à Gittes s’il est heureux. « Oh, je ne sais pas, répond Gittes. Qui peut répondre à cette question du tac au tac ? »
    Khan : « Les gens qui sont heureux. »
    Là encore, Towne souhaitait qu’une étrange chute de neige, telle que celle qui s’était réellement produite en janvier 1949, achève son film policier, et là encore, son souhait ne fut pas exaucé. L’incongruité de l’image de la neige tombant sur Los Angeles, avec des passants qui s’amusaient et des étrangers qui s’embrassaient, était censée conclure The Two Jakes sur une « note d’espoir, de rédemption », d’après le magazine American Film. Le réalisateur-star tourna la scène, avant de décréter qu’elle ne lui plaisait pas.
    L’espoir et la rédemption étaient à mille lieues de l’état d’esprit de Nicholson. Le film s’acheva donc sur le cancer en phase terminale de Jake Berman (l’un des pires cauchemars de Nicholson), un tremblement de terre et une explosion, ainsi qu’une réplique thématique sarcastique qui avait été retouchée par Jack lui-même. Kitty, la fille aux airs de poupée en porcelaine d’Evelyn Mulwray, demande à Gittes : « Est-ce qu’il peut jamais s’effacer ? Le passé ? »
    « Mon dicton des eighties , déclara Jack à la presse, en tant que personne, a été : « On ne peut rien effacer. » On ne peut pas fuir. On ne peut plus effacer. Surtout pas les gens comme moi. Et je n’avais jamais réalisé que la dernière réplique de ce film était : « Est-ce qu’il peut jamais s’effacer ? » J’ai dû dire cette réplique à mes amis des centaines de fois, et je me suis rendu compte de ça il y a à peine une semaine. Voilà ce qu’on essaie de faire quand on est un artiste. Dégager le terrain pour le subconscient. Espérer qu’il se mettra ainsi à affluer et à influencer le travail. »
    Le tournage de The Two Jakes s’acheva à la fin du mois d’octobre 1989, « comme prévu, parfaitement dans les temps », d’après le communiqué de presse plein d’espoir de Nicholson qui fut repris dans la presse spécialisée.
    L’épreuve habituelle du montage put commencer. Des scènes supplémentaires durent être tournées. Et comme toujours lorsque Jack faisait office de réalisateur, il y avait des problèmes de continuité, et d’une façon ou d’une autre, dans la salle de montage, la ligne narrative devait être renforcée.
    Les problèmes étaient tels que l’on finit par conclure que The Two Jakes avait besoin d’un soutien qui unifierait la narration : Jack, en voix-off, expliquant l’histoire. Bien que ses attachés de presse aient prétendu le contraire, Nicholson ne se donna pas la peine de rédiger lui-même ce nouveau texte ; il confia cette mission à l’un de ses amis qui écrivait pour un magazine national. Ce dernier proposa une prose de roman noir, qui, quoique intelligente (« Dans cette ville, je suis le lépreux qui a le plus de doigts. »), était en complet décalage avec tout ce que Towne avait jamais écrit.
    Towne assista à une ou deux projections d’essais avant de se sentir outragé par ce qu’on avait fait à son bébé et de décréter qu’il ne voulait plus entendre parler de The Two Jakes. Le montage se prolongea, encore et encore. La date de sortie initiale, Noël 1989, fut repoussée au printemps 1990, ce qui « élimina tout espoir de voir concourir le film à la cérémonie des Oscars » 1990, put-on lire dans un article de Variety  – plutôt optimiste. Puis la date de sortie fut encore repoussée, et ainsi de suite.
    Au sens propre (comme à son habitude, il s’était filmé dans des conditions peu flatteuses, avec 15 kg de trop) comme au sens figuré, on peut dire qu’un grand poids semblait peser sur Nicholson quand le montage de The Two Jakes s’acheva à la fin du printemps et qu’il fut finalement annoncé que le film sortirait dans les salles au cours de l’été.
    Le 16 avril 1990, à 18 h 35, Rebecca Broussard donna