Jack Nicholson

et le méchant flic à lui tout seul. Il semblait imperturbable ; la situation conflictuelle ne faisait qu’alimenter son sourire. Plus les choses allaient mal, plus il semblait optimiste.
    Les débats et les disputes se poursuivirent dans la salle de montage. Une date de sortie fut annoncée puis annulée. Des scènes furent retournées. Une nouvelle date de sortie fut annoncée puis annulée.
    Au bout du compte, Man Trouble ne rapporta quasiment pas un sou. Rafelson jeta l’éponge. Le réalisateur, qui se prêtait en général bien au jeu de la promotion, refusa de s’exprimer sur Man Trouble quand le film finit par sortir dans les salles, au cours de l’été 1992. Avec Nicholson, il avait réussi à répéter le processus de Head  : à faire une comédie complètement dénuée d’humour.
    À la fin de l’année 1992, le magazine American Film rassembla un jury composé de cent six critiques pour élire le pire film de l’année. Man Trouble remporta haut la main le titre (il avait été mentionné par vingt critiques).
    Nicholson pouvait parfois se montrer nostalgique vis-à-vis du passé – non pas du New Jersey, mais de l’époque du Sunset Strip où lui et son cercle de jeunes amis idéalistes rêvaient de réussir dans le cinéma comme les illustres étrangers qu’ils admiraient. Bien après Easy Rider, il y avait des souvenirs dispersés un peu partout qui lui rappelaient son humble passé : la vieille VW qu’il conduisit encore quelques années après être devenu une star, la veste élimée de maître nageur sauveteur qui était suspendue à un crochet sur un mur.
    Mais il y avait désormais moins de place sur les murs avec toutes les onéreuses œuvres d’art qui y étaient accrochées, et Jack était avant tout quelqu’un de pragmatique. The Two Jakes et Man Trouble balayèrent ses dernières illusions concernant le passé.
    « J’ai appelé Jack, l’autre jour, pour reparler avec lui de cette époque, confia Carole Eastman à un journaliste du Los Angeles Times. On s’est souvenus à quel point c’était super d’être comblés par ces films et on a parlé de tout le bonheur que ça nous procurait. Et puis il y a eu ce silence à l’autre bout du fil. Et Jack a fini par dire : "Tu sais, cette époque est définitivement terminée." »
    1992 fut également l’année de naissance de Raymond Nicholson (3,9 kg), le deuxième enfant de Jack Nicholson et de Rebecca Broussard, qui vit le jour le 20 février. Warren Beatty était lui aussi devenu papa, pour la première fois de sa vie, un mois auparavant, la mère de son enfant étant l’actrice Annette Bening.
    Les amis de Jack tentèrent de déterminer d’où provenait le prénom qu’il avait choisi : Raymond. C’était un nom qui évoquait le New Jersey des années 1930 ; et il y avait un vieil ami de la famille Nicholson qui s’appelait Ray. Par ailleurs, Jack avait à une époque eu un lhassa apso baptisé Ray qui (cela ressemblait à une scène de Man Trouble) avait été tué par des bergers allemands.
    Les agences de presse rapportèrent que le patronyme du bébé était un nom composé : Nicholson-Broussard. Broussard avait réussi à obtenir cette concession de la star du cinéma. La lignée de Nicholson aimait de toute façon les jeux sur les noms.
    Nicholson ne prit pas beaucoup de temps pour se reposer après Man Trouble. Il se mit rapidement à travailler sur deux films – A Few Good Men, ou Des Hommes d’honneur, le drame judiciaire de Rob Reiner, et Hoffa de Danny DeVito, un portrait biographique de Jimmy Hoffa des Teamsters.
    Dans La Dernière Corvée, Jack avait interprété un soldat de la Navy. Signe indicateur de son nouveau statut de grand maître, Nicholson se vit demander de jouer dans Des Hommes d’honneur le rôle du commandant d’une base américaine de la baie cubaine de Guantanamo, un patriote au cœur dur adepte des passe-droits qui n’était pas sans rappeler Oliver North. Pour le « petit » cachet de 5 millions de dollars, Nicholson ne jouerait que quatre scènes et ne travaillerait que deux semaines.
    Le casting, principalement composé de membres de la jeune garde de Hollywood, était très intimidé par l’acteur, qui entamait sa troisième décennie de célébrité. Quand les comédiens se rassemblèrent pour la première réunion, tous se mirent à s’agiter lorsque Nicholson fit son entrée dans la pièce. Ils se hâtèrent d’aller s’asseoir sur leurs