Jack Nicholson
ensemble et, on l’espérait, faire renouer Rafelson avec le succès au box-office.
Mais Eastman avait gardé un mauvais souvenir de la dernière fois où elle avait écrit un script pour Rafelson. Son contrat l’élevait au statut de coproductrice (Bruce Gilbert était lui aussi coproducteur). Et par ailleurs, elle insista pour que le réalisateur lui garantisse par écrit qu’il n’altérerait pas son scénario sans lui avoir au préalable demandé son autorisation.
Nicholson avait beau avoir très envie de jouer dans Man Trouble, il refusa de baisser ses prétentions salariales. On dit que son cachet tournait à cette époque autour de 7 millions de dollars par film et 10 % des recettes. Une fois le cachet de Nicholson ajouté aux coûts de développement, le budget de Man Trouble fut chiffré à 30 millions de dollars.
Il ne s’agissait pourtant que d’une comédie romantique légère traitant d’un maître-chien qui confiait un chien d’attaque à une chanteuse classique, qui pensait être en danger. Le maître-chien commençait à s’impliquer dans les affaires de la fille (des méchants et des ex ne cessaient d’arriver comme des cheveux dans la soupe) et finissait par tomber amoureux d’elle.
Comme La Bonne Fortune, Man Trouble était un film à l’ambiance polissonne. Il n’y avait rien de vraisemblable dans sa structure. Mais Nicholson aimait voir des sens profonds dans ses films, et ce même quand il était évident qu’il n’y en avait pas. Jack semblait lui-même croire à sa propre propagande quand, au moment de la sortie en salles, il déclara à un journaliste de Vanity Fair que Man Trouble était « un film thématique sur les conséquences néfastes chez les femmes de la violence au cinéma ».
À l’origine, c’était Meryl Streep qui devait jouer le rôle de la chanteuse classique et apporter un peu de sa charmante gaieté au film. Mais Streep tomba enceinte et dut décliner la proposition. Le rôle fut donc attribué à Ellen Barkin. Le reste du casting était composé de Paul Mazursky, dont l’apparition était trop brève ; des vieux amis Veronica Cartwright et Harry Dean Stanton ; et de Rebecca Broussard, dans le tout petit rôle d’une employée de l’hôpital.
Les problèmes, face à la caméra et hors champ, commencèrent à se multiplier dès le premier jour du tournage. Rafelson ne pouvait pas se retenir – il voulait remanier le script. Il ne s’agissait sans doute pas d’une mauvaise idée, compte tenu de la nature de ce script, mais l’accord qu’il avait conclu avec Eastman lui interdisait de le faire. Toute volonté de changement, aussi triviale fût-elle, engendrait débats et disputes.
D’après l’un des articles relatant la production, Rafelson avait tendance à tourner les scènes de comédie en faisant de longs plans-séquences. Les producteurs préféraient les gros plans, plus intimes, et voulaient davantage d’options pour la salle de montage. Il y avait de constantes négociations avec Eastman et Gilbert. Rafelson devait se battre pour défendre ses idées. Parfois, le réalisateur, furieux, refusait de parler aux producteurs.
De quel côté Nicholson était-il ? Nicholson était, sur le plateau de Man Trouble, un « joker », si l’on en croit le producteur Gilbert. « Il essayait souvent de faire en sorte que Bob se calme et se montre moins paranoïaque. »
« Ce qui est sûr, déclara Nicholson à un journaliste du Los Angeles Times, c’est que Bob est un personnage irritable. Mais je suis moi aussi un personnage irritable. Alors quand je travaille avec lui, je sais que si je l’ouvre, il finira par hausser les épaules – et il a les épaules très larges. » « Parfois, je sais que je vais trop loin. Tout ce que Bob demande, c’est que j’essaie de faire le moins de bruit possible devant les autres, qui ne comprendraient peut-être pas ce qui se passe. » D’après le journaliste du Los Angeles Times, Nicholson fit une pause après avoir prononcé cette phrase, prit une cigarette, et ajouta : « Malgré tout ce temps, je ne suis pas sûr que nous nous connaissions si bien que ça. » Man Trouble était un retour à l’époque de Head, où Rafelson et Nicholson avaient fait un film sur les Monkees au moment même où les Monkees étaient en train de se séparer. À cette époque, Rafelson était le méchant flic et Jack le gentil. Mais Rafelson était désormais impuissant, et Jack était devenu le gentil
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