Jack Nicholson
comprendre, n’étaient-ils pas plus proches de nous que nous le pensions ?
À cette époque, ses idoles du show-business étaient des personnalités originaires du New Jersey : Frank Sinatra – « Jack l’appelait "The Rag x » à cause du style vestimentaire très soigné qu’il avait à cette époque », se souvient Epaminondas – et Jackie Gleason. Nicholson disait que Gleason, qui à ce moment-là n’avait pas encore démontré toute l’étendue de son talent, avait le potentiel de devenir une grande star. Il s’intéressait aussi aux aptitudes musicales de Gleason (peut-être avait-il déjà entendu son nom dans la bouche de June lorsqu’il était enfant) et s’était procuré ses albums.
Les trois amis, Jack, Epaminondas et Storeroom Roger, étaient accros au cinéma. Et c’était généralement Jack qui dictait le choix des films. Il cherchait consciemment à élargir ses horizons, et en dépit d’un petit point faible pour les films bêtas de Dean Martin et Jerry Lewis, il insistait pour que le groupe n’aille voir que les films américains les plus prestigieux, tels que Picnic ou L’Homme au bras d’or. Jack cherchait aussi à convaincre ses amis d’aller voir des films étrangers, comme les derniers Rossellini ou Visconti, ou bien encore des films d’Henri-Georges Clouzot.
« Dans le New Jersey, personne ne serait jamais allé voir un film comme Les Diaboliques, commente Epaminondas. Du reste, il n’aurait même pas été projeté au cinéma. »
Mais par certains autres aspects, Jack n’avait pas beaucoup changé. Avec les filles, il cherchait toujours à faire le clown. Mais en réalité, il était extrêmement timide, très gêné par l’acné qui lui dévorait le dos et maladroit lorsqu’il s’agissait de faire des avances. Lui, son colocataire et Epaminondas étaient trois jeunes garçons solitaires qui essayaient de réussir, mais qui n’étaient visiblement pas très doués.
Un jour, ils firent la connaissance de trois jeunes colocataires qui avaient été danseuses à Las Vegas et organisèrent une sorte de triple rendez-vous. Ils se rendirent dans l’appartement des filles. Jack avait apporté des disques. Mais les filles dansaient beaucoup mieux qu’eux. Et elles ne se montrèrent pas réceptives à l’humour de Jack. Seul le colocataire de Jack eut l’audace de faire la cour à l’une d’entre elles, mais ses avances furent repoussées. Après cette soirée, les garçons s’assirent ensemble et ressassèrent ce qui s’était passé, désespérés de s’être montrés si socialement inaptes.
Plusieurs fois, les trois jeunes garçons firent le pèlerinage obligé à Sunset Boulevard, au Hollywood Paladium, l’endroit où il fallait être, la salle où tous les grands groupes se produisaient et où l’on pouvait s’amuser et rencontrer des filles. Il leur restait généralement très peu d’argent une fois qu’ils avaient payé leurs entrées et qu’ils s’étaient offert une bière. Un jour, ils décidèrent de se faire beau, et après avoir fouillé leurs poches, découvrirent qu’ils avaient juste assez d’argent pour acheter un peigne.
Les trois garçons, avec leur peigne, scrutèrent la foule. Nicholson prit son courage à deux mains et invita une fille à danser. Il disparut avec elle pendant quelques minutes, virevoltant et tournoyant dans la foule.
Tout à coup, il réapparut aux côtés de ses deux amis, le visage rouge. « Il faut qu’on sorte d’ici ! Il faut que j’aille aux toilettes ! » s’exclama-t-il.
« Qu’est-ce qui se passe ? » lui demandèrent ses amis.
« J’étais en train de danser avec la fille, répondit Jack, et elle s’est tellement collée à moi que j’ai explosé dans mon pantalon ! »
C’était le Jack Nicholson de cette époque – incapable de danser un slow sans « tout lâcher sur la fille » (d’après ses propres mots).
Ironiquement, Jack avait mûri d’un point de vue physique. Il avait perdu ses rondeurs enfantines et avait acquis une beauté presque conventionnelle, typiquement américaine, un physique de garçon d’à côté jouant des rôles clichés dans des films familiaux de la MGM .
Au studio, il avait pris l’habitude d’interpeller les cadres en les appelant par leur prénom (« environ cinquante fois par jour »). Un matin, début du printemps 1956, il lança un « Salut, Joe ! » au producteur Joseph Pasternak, connu pour ses comédies musicales
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