Jack Nicholson

légères avec Deanna Durbin. Le producteur porta cette fois-ci un regard plus attentif sur le jeune coursier puis lui demanda : « Hé gamin, ça ne te dirait pas de jouer dans des films ? »
    Pasternak lui proposa de passer un essai filmé. Jack fut pris au dépourvu. Et pour ne rien arranger, l’audition fut programmée pour le lendemain. Jack devrait jouer une scène romantique et déclarer son amour de façon convaincante à une personne qui se trouverait hors champ.
    Nicholson, 18 ans, passa sa soirée à marcher de long en large dans son appartement en répétant anxieusement de multiples variations de « Judy, je t’aime ». Son colocataire et Epaminondas riaient comme des fous. Jack n’arrêtait pas de dire : « Bon sang, mais comment est-ce que je vais réussir à le dire ? Je n’arrive même pas à inviter une fille à danser, et il faut que je dise : « Judy, je t’aime ». »
    L’audition se déroula mal. Pasternak dit à Jack qu’il avait une horrible voix – il avait l’accent nasillard et haut perché du New Jersey. Le producteur, dont la longue carrière remontait à l’époque du cinéma muet en Europe, suggéra à Jack d’investir dans des cours de comédie et de diction. Tout se passa si vite que Jack eut à peine le temps de réprimer ses sentiments.
    Quelques jours plus tard, d’après une version de l’histoire que Jack donna à un journaliste du magazine Time, Jack interpella de nouveau Pasternak dans un couloir en criant « Salut, Joe ! » Le producteur s’arrêta, le regarda, et, une nouvelle fois, lui lança l’immortel « Hé gamin, ça ne te dirait pas de jouer dans des films ? » D’après le journaliste de l’article couverture paru dans le magazine en 1974, « cette petite démonstration d’anéantissement d’espoirs et de manque de mémoire dut plaire au sens de l’humour ironique de Nicholson, mais aussi avoir un impact sur son très fort sens du moi ».
    Jack vécut assez bien son échec, mais à cette époque le jeune garçon avait tendance à tout prendre à la légère. À ce moment-là, Jack n’avait encore jamais joué la comédie à Los Angeles. Il avait vu peu de pièces et n’avait jamais pris de véritables cours d’art dramatique. Une porte s’ouvrit brièvement – la MGM lança une audition pour dénicher un groupe d’acteurs qui auraient l’occasion de faire de la figuration ou de jouer de petits rôles dans Thé et Sympathie  – et les amis en discutèrent, projetèrent d’agir, mais finirent par laisser passer leur chance.
    Epaminondas et Jack tenaient des discussions sérieuses sur l’art de la comédie. Jack pensait alors que Hollywood était au second plan, que les techniques des acteurs n’étaient pas prises au sérieux au cinéma, et que la véritable comédie se jouait sur la côte est, dans les écoles qui enseignaient la Méthode et à Broadway. Son insistance à ce propos contribua à convaincre Epaminondas de quitter Los Angeles pour New York, au cours du printemps 1956, pour intégrer la sérieuse American Academy of Dramatic Arts.
    Quand Epaminondas demanda à Jack s’il souhaitait l’accompagner, celui-ci lui répondit que non, qu’il préférait tarder encore un petit peu à Los Angeles.
    Au printemps 1956, après l’échec monumental de son audition, Jack Nicholson, qui venait d’avoir 19 ans, commença à faire des démarches pour devenir acteur.
    Il se mit à traîner sur Hollywood et Sunset Boulevard, les artères bordées de palmiers sur lesquelles se trouvaient le Schwab’s Drug Store, le Grauman’s Chinese Theatre, le Brown Derby et autres boîtes hollywoodiennes regorgeant de touristes et de jeunes espoirs.
    Jack prit un agent, se fit faire quelques jolies photos et fut envoyé à plusieurs castings. Le plus difficile était de décrocher des entretiens. Lorsque cela se produisait, c’était toujours pour des productions indépendantes ou des séries télévisées au budget ridicule.
    Son premier agent était Fred Katz, un ancien de l’époque du vaudeville (il se peut que Katz ait à une époque représenté June ; il aurait alors pris le jeune novice sous son aile comme une faveur). Deux photographies de Jack furent cette année-la exposées dans l’annuaire des Academy Players, sorte de catalogue destiné aux studios et aux producteurs. Elles représentaient les deux profils du jeune inconnu, l’un dur et triste, l’œil glacial, et l’autre chaleureux et accessible, avec un