Jack Nicholson

compagnie très agréable. Jack l’invita à sortir. Il insista malgré son refus.
    « Au départ, il était très obstiné, se rappelle Carter. Je l’appréciais beaucoup, et très vite, nous sommes devenus inséparables. »
    Georgianna et Jack se mirent à se promener partout main dans la main, et leur couple devint une vision familière. Les amis proches de Nicholson s’accordent à dire que Georgianna Carter fut la première véritable amoureuse de Jack Nicholson.
    Quand le service dessins animés Hanna-Barbera fut progressivement détaché de la MGM , au cours du printemps 1957, Jack perdit son poste de préposé au courrier. L’état moribond dans lequel se trouvait Hollywood dut d’autant plus marquer l’esprit de l’acteur qu’il fut obligé de vider les bureaux, d’empaqueter les fournitures et de participer à la fermeture d’un département du studio dont les affaires semblaient pourtant florissantes.
    Nicholson rendit la clé de son appartement de Culver City et se mit à dormir chez ses amis, notamment chez Robert Towne et chez Luana Anders. Quand ses amis ne pouvaient pas l’héberger, Jack se rendait chez Ethel May, dans le petit appartement d’Inglewood, ou bien dans la maison de June, à Burbank, où la jeune femme venait d’emménager avec ses deux enfants.
    Lorsqu’ils se rassemblaient tous chez June, Ethel May préparait à Jack et Georgianna des aubergines frites puis faisait une permanente à Georgianna. La « mère » de Jack (Carter n’a jamais pensé qu’il pouvait en être autrement) était toujours en train de se lancer dans des activités artistiques, avait des projets ambitieux, tels qu’une reproduction d’un Picasso à l’aide d’un support muni de chiffres correspondant à des couleurs, qui permettait à un amateur de copier facilement le chef-d’œuvre. Georgianna trouvait que June ressemblait beaucoup à Jack – « elle avait les mêmes expressions faciales que Jack, comme mettre sa bouche de travers et dire des choses du coin de la bouche » – et était, comme lui, espiègle, enjouée et lunatique.
    Il semblait y avoir de vagues tensions entre June et Jack, surtout depuis que Jack s’était autoproclamé comédien. June considérait le show-business comme une impasse et insistait pour que Jack trouve un autre travail ou retourne à l’école. Jack ne l’écoutait pas.
    « J’imagine que dans les moments de conflit intense, June brûlait d’envie de me dire : "Tu dois le faire, parce que je suis ta mère, petit con !" » a déclaré Jack au cours d’une interview quelques années plus tard.
    « Il y a une époque où je n’ai pas parlé à June pendant environ un an. Elle disait que je perdais mon temps dans le théâtre, que j’étais un paresseux, et flemmard, que je ne faisais pas d’efforts, et que je devais mettre mon intelligence au service d’une profession. Elle pensait que j’avais eu assez de temps pour faire mes preuves, et que tout ce qui m’intéressait, c’était de flâner dans les rues, de m’amuser et de draguer des nanas. »
    Quand il n’avait pas d’autres solutions, Jack était accueilli chez les parents de Georgianna. Les gens se souviennent que lorsqu’il était là, il s’endormait sur le canapé, tard le soir, en regardant des films à la télévision. Il avait le chic pour retenir les scènes aux dialogues mémorables des vieux films qu’il regardait, même s’il s’agissait de navets. Il reprenait les dialogues, les déformait pour les rendre comiques, et rejouait la scène le lendemain devant ses amis. C’était un excellent imitateur, et il pouvait reproduire à la perfection des monologues entiers de W.C. Fields.

3. Tampons encreurs 1957
    En automne 1957, il n’y avait pas que les cours de Corey et les nouveaux amis qui faisaient battre le cœur de Jack : âgé de tout juste 20 ans, il venait de décrocher le rôle principal d’un film.
    Son premier agent, Fred Katz, était mort à la fin de l’année 1956. Au Schwabs Drug Store, sur Sunset Boulevard, lieu de rassemblement de tous les acteurs en herbe qui venaient lire les annonces et boire du café – « un mélange de bureau, de café et de salle d’attente », comme le décrit Joe Gillis, le scénariste joué par William Holden dans Boulevard du crépuscule  –, Jack rencontra un autre agent nommé Byron Griffith.
    Griffith, un ancien figurant, vivait dans un appartement sur cour de Hollywood Boulevard devenu un lieu de