Jack Nicholson
parsemait ses interviews (comme le faisait Jeff Corey pendant ses cours de comédie), des phrases de poètes, dramaturges, romanciers, historiens, philosophes et critiques littéraires qu’il avait découverts non pas au lycée dans le New Jersey mais à Los Angeles à la fin des années 1950 : souvent Camus, Nietzsche et Wilhelm Reich (les trois grands auteurs de son panthéon personnel), mais aussi bien d’autres, tels que Bertrand Russell, Marshall McLuhan, H.L. Mencken, George Bernard Shaw, Thomas Wolfe, Anton Tchekhov, André Gide, Machiavel, et même Saint-Augustin.
Il y a toujours eu quelque chose d’à la fois poignant et suspect dans cette auto-éducation fièrement exposée ; dans cette « curiosité vorace » et ce « vocabulaire très riche », d’après les mots d’un journaliste du magazine American Film ; dans l’immensité de ce savoir qui fait de Nicholson une « véritable encyclopédie de la culture, de l’histoire et des arts », comme l’a dit Warren Skaaren, le co-scénariste de Batman.
« Il a toujours été de ceux qui admiraient le savoir et la culture », commente John Herman Shaner. « Je pense que le grand manque de sa vie, son grand regret, c’est de ne pas être allé à l’université. Plus tard, ça a dû lui faire du mal, quand il s’est retrouvé au milieu de gens qui avaient reçu davantage d’éducation. »
La vie du jeune acteur avait beau être une lutte financière et artistique, elle n’en était pas moins insouciante et bohème.
Il pouvait se coucher tard, mettre son réveil à midi. Disputer une partie de tennis, faire quelques courses, lire un peu, organiser sa journée autour d’un récital de poésie, d’une escapade au musée, d’une soirée au cinéma. Après le dîner, vers 10 heures, il rejoignait une bande d’amis à une fête ou sur le Strip.
Il flottait une légèreté de camp d’été sur tout ce que planifiaient les amis de Jack. Ils faisaient un pot commun, se rendaient à Hollywood Park et pariaient tout leur argent aux dés. Ou ils restaient allongés toute la journée sur une couverture à Santa Monica Beach à boire du vin tout en se faisant passer un livre sur Michel-Ange.
Le divertissement représentait toujours une part très importante du style de vie de Jack. Il adorait s’amuser, et quelle que fût le moment de sa carrière ou la situation de ses relations avec sa petite amie, il réussissait toujours à passer du bon temps. « Jack adorait déconner, explique John Herman Shaner. Il aimait ça, comme moi, comme nous tous. Il aimait bien s’éclater. Il y a un mot yiddish pour ça – freyleck. Les bons moments, c’était très important pour lui. »
Chez Paulette’s, café où Sally Kellerman travaillait comme serveuse et où on écoutait du Bach, juste en face du 77 Sunset Boulevard, était le quartier général de la bande. Il y avait une photo de Brando sur l’un des murs car on disait que c’était l’un des endroits préférés de l’acteur.
Jack et ses amis fréquentaient aussi l’ Unicorn, un café-librairie beatnik où Lenny Bruce faisait des stand-up . Ils jouaient aux fléchettes dans un bar appelé la Raincheck Room situé dans la même rue que le Players Ring. Ils dépensaient leur argent au Barney’s Beanery, « le grand centre mondain des sixties », d’après les mots de Michelle Phillips, un restaurant célèbre pour sa clientèle éclectique, où les camionneurs et les motards s’asseyaient à côté de gens de Beverly Hills vêtus de smokings et de robes de soirée pour savourer le meilleur chili de la ville.
Ou bien ils se retrouvaient au Pupi’s, où ils pouvaient passer des heures à discuter devant un dessert ou un café. June Allyson et Louella Parsons s’y arrêtaient parfois pour acheter des pâtisseries, mais Jack et ses amis étaient de vrais habitués. Ils y avaient d’interminables conversations, parfois interrompues par des espiègleries – Charles Eastman, le frère de Carole, un géant imposant au crâne dégarni, les faisait tous rire aux éclats lorsqu’il se levait pour exécuter une imitation de Sonja Henie.
Ce fut au Pupi’s que Jack entra un soir dans l’une de ses légendaires colères : il se disputa avec une serveuse et menaça de mettre un coup de pied dans une desserte chargée de pâtisseries. Il s’agit là de l’incident dont Carole Eastman se serait inspirée pour écrire la plus célèbre scène de Bobby Dupea (le personnage joué par
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