Je n'aurai pas le temps
toutes les formes de vie, c’est également nous-mêmes que nous préservons.
Il était moins cinq : les Galapagos
J’ai eu l’occasion, il y a quelques années, d’aller aux îles Galapagos dans le Pacifique, au large de l’Équateur. J’ai vu les danses nuptiales des fous aux pattes bleues, pratiquement à portée de main. J’ai nagé avec les tortues géantesdans les mangroves, peut-être un des plus beaux lieux de la planète. J’ai assisté au départ des albatros qui se lancent du haut des falaises. J’ai marché le long des plages interminables où dorment les otaries. Je suis resté béat devant les iguanes qui semblent nous arriver directement de l’ère jurassique. Et j’ai quitté ce paradis terrestre avec un double sentiment d’euphorie et d’inquiétude.
C’est un lieu pour reprendre espoir en l’avenir de la vie sur la Terre. On y constate la réalité d’un changement de comportement des êtres humains ; on y mesure le virage récemment amorcé, son importance et sa visibilité indéniables.
Ce mouvement interrompt heureusement la longue histoire de l’influence nocive des hommes sur la nature depuis l’époque des grandes explorations. L’arrivée des humains dans des îles peu ou pas habitées déclenchait systématiquement une dégradation de la situation, et en particulier une érosion profonde de la biodiversité.
La capture des tortues géantes – réalisée avec un simple bâton qui permettait de mettre les animaux sur le dos et de les emporter comme réserves alimentaires dans les cales des bateaux –, l’introduction de chèvres et de porcs laissés en liberté pour assurer le ravitaillement lors des prochaines escales, et celle des rats délogés par enfumage des embarcations, sont autant de faits responsables de la raréfaction d’espèces. Les oiseaux nichant au sol (albatros, fous à pattes bleues, cormorans aptères), les reptiles (tortues et iguanes), les otaries, en ont été victimes là comme dans de nombreux autres territoires insulaires, en Océanie et ailleurs.
Il se trouve qu’aux Galapagos, quelques rares îles, comme Fernandina par exemple, n’ont jamais reçu d’espèces invasives. Et leur richesse a permis une prise de conscience du désastre provoqué par les navigateurs. Là se situe le revirement récent de l’attitude des humains responsables de ceslieux. Ils ont affiché leur volonté de réhabiliter leurs îles, décidé de gestes concrets destinés à régénérer la flore et la faune locales. Et aujourd’hui, les Galapagos sont devenues un parc national inscrit au patrimoine de l’Unesco.
On y a établi des fermes de tortues où les petits animaux de différentes espèces sont protégés jusqu’à ce qu’ils atteignent une taille les mettant à l’abri des rats. Le repeuplement des îles sinistrées est en bonne voie. Le tourisme, permis sur certaines îles, est sévèrement réglementé. Des sentiers balisés permettent l’accès à une petite fraction du territoire aux visiteurs accompagnés de guides veillant au respect du site. Et personne ne songe à quitter les sentiers ou à s’approcher des animaux. Aucune plante, aucun coquillage ne peut être emporté hors des îles : des chiens dressés à reconnaître les odeurs inspectent les bagages à l’aéroport.
Les dommages inhérents au tourisme (même « écologique ») sont compensés par les sommes versées pour l’accès et qui permettent le fonctionnement des fermes de tortues et financent la protection. Les chercheurs impliqués montrent un enthousiasme qui fait plaisir.
Ce changement de comportement à « moins cinq » laisse une impression forte. Il restait encore (mais pour combien de temps, si rien n’avait été fait ?) quelques îles intactes. Cette évolution, après des siècles de déprédation systématique et irresponsable, cette prise de conscience aiguë de la gravité de la situation, ces efforts concrets, évidents dans tout l’archipel, donnent confiance en l’avenir de la nature et de l’humanité. Assister en direct à cette transformation ajoute singulièrement aux plaisirs que procure la visite de ces îles enchantées.
Bien sûr, il reste de nombreux problèmes, et l’avenir même du projet « Darwin » est incertain. Des pressions sont exercées pour accroître le tourisme et réduire les contraintes. Malgré l’interdiction, une immigration clandestine se poursuit sur certaines îles.
Nous avons là, en modèle réduit, la
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