Je n'aurai pas le temps

situation conflictuelle mondiale entre ceux qui veulent préserver la vie sur la Terre et ceux qui n’ont en vue que le profit à court terme. Mais les gestes concrets et les résultats tangibles obtenus ici, récompensés par la splendeur des spectacles de ce jardin botanique et zoologique sans clôture, redonnent confiance.

    Une anecdote sans importance ?
    Les meilleurs biologistes nous le disent : nous sommes aujourd’hui dans une période d’extinction majeure, la sixième. Les grands mammifères et les grands arbres sont les plus menacés. Nous, les humains, sommes également dans le collimateur. Il nous est difficile d’accepter l’idée que l’humanité puisse disparaître de la Terre. La vie continuerait pourtant sans nous. Le Soleil se lèvera chaque jour, comme il l’a fait depuis des milliards d’années.
    Et alors ? Quelle importance ? Par le passé, des millions d’espèces sont apparues puis ont disparu. Une de plus, une de moins… Une simple anecdote ? Un fait divers à l’échelle cosmique ? Rien ne se verrait de Sirius, pas même de Jupiter. De la Lune ? Pas même sûr…
    J’aimerais défendre l’opinion inverse, montrer en quoi, à l’aune de l’évolution, la disparition de l’humanité serait une véritable perte, un terrible gâchis. C’est que les humains n’ont pas fait que des bêtises. Ils ont développé des facultés qu’aucune espèce animale n’a portées aussi loin.

    La curiosité
    La curiosité en est un exemple. Elle est présente chez quantités d’animaux comme les chats, qui inspectent minutieusement leur domaine pour éviter toute mauvaise surprise. Mais chez l’humain, elle s’amplifie et dépassede loin la composante utilitaire. Sous son impulsion, il explore le monde dans toutes ses dimensions, il découvre les lois des atomes et des molécules, il déchiffre les mécanismes de la vie, il retrace l’histoire du cosmos qui lui a donné naissance. La curiosité a engendré l’une des plus belles réalisations de l’humanité : la science.

    La créativité
    La créativité en est un autre. Le besoin d’innover, de tenter des expériences nouvelles et de relever des défis. Bricoler des machines pour voler comme les oiseaux et arpenter le Système solaire. Télécommuniquer à travers le monde. Modifier les gènes. Fabriquer des télescopes pour observer les galaxies et des microscopes pour scruter les formes invisibles de la matière et de la vie. La créativité est à la source d’un des plus beaux fleurons de l’évolution de la vie sur la Terre : l’art, dans toutes ses expressions. On lui doit Mozart, Van Gogh, Baudelaire et tous les artistes qui embellissent notre vie et enrichissent notre monde.

    La compassion
    Quand, dans un nid, des oisillons sont malades, les parents ne les nourrissent pas. Ils les laissent mourir, réservant leurs apports nourriciers aux plus vigoureux, ceux qui seront capables de transmettre des gènes sains pour la perpétuation de la lignée.
    À l’inverse, les humains se préoccupent de leurs enfants malades autant, et souvent plus, que des autres. C’est là un élément nouveau dans l’évolution de la vie terrestre : les hommes ne sont pas inexorablement soumis à la logistique des gènes. Ils peuvent se préoccuper de ceux qui souffrent, essayer d’adoucir leur sort, même s’il n’en résulte aucune retombée génétique profitable à l’ensemble de l’espèce.Cette aptitude à la compassion se manifeste de multiples façons : abolition de l’esclavage ; amélioration du sort des femmes ; prise de conscience de la sensibilité des animaux. Volonté de ne plus les considérer comme de simples marchandises.
    Voilà, à mon avis, le plus bel apport de l’humanité à la vie sur notre planète. Aucune autre lignée animale, à notre connaissance, ne s’est engagée dans les voies de la connaissance scientifique, de la création artistique pour embellir le monde et de la compassion pour adoucir le malheur des autres, humains ou animaux.
    Si l’humanité disparaissait, qui veillerait sur les trésors culturels ? Que deviendrait la chapelle Sixtine ? Les termites rongeraient les Stradivarius, les structures métalliques des radiotélescopes rouilleraient aux pluies d’hiver, tandis que la logistique des gènes dominerait à nouveau, seule, le comportement des vivants.
    Évidemment, personne ne serait plus là pour le déplorer, mais de notre point de vue sur un avenir possible, nous