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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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1960), j’ai gardé le contact avec lui en lisant les critiques de livres qu’il faisait paraître dans la revue Scientific American . J’aimais y retrouver son style limpide, ses comparaisons imagées et son mode de pensée, auxquels je suis toujours très attaché. J’ai été très attristé d’apprendre récemment sa mort.

    Écouter les extraterrestres
    Les conversations pendant les repas à la cantine, pris en commun, enseignants et élèves, foisonnaient de discussions sur des thèmes hautement imaginatifs. La possibilité d’entrer en communication avec des civilisations galactiques était un des sujets qui revenaient le plus souvent. L’avènement et le développement de la radioastronomie laissaient entrevoir un canal tout à fait approprié à l’échange de messages à travers la Voie lactée. Spéculant sur la possibilité que des civilisations extraterrestres aient atteint un haut niveau de technologie, deux physiciens de notre département, Philip Morrison et Giuseppe Cocconi, s’étaient demandé quelle longueur d’onde ils auraient vraisemblablement choisi pour entrer en contact avec nous. Après une analyse détaillée de la situation et en tenant compte des bruits parasites qui pourraient brouiller le signal, ils en étaient venus à la conclusion que leur choix devait se porter sur la longueur d’onde de 20 centimètres, qui caractérise l’émission radio de l’atome d’hydrogène. Suite à ces discussions, ils publièrent dans la revue Nature un article intitulé « Searching for Interstellar Communication » qui fit grand bruit. Ce travail initia un fort intérêt pour les programmes de recherche de civilisations extraterrestres. De nombreux radiotélescopes se mirent à l’écoute du ciel. Celui d’Arecibo dans l’île de Porto-Rico (une oreille de 305 mètres de diamètre plaquée à même le sol) et aussi celui de Nancay en Sologne. Ces recherches, qui furent reprises plus tard par le programme Seti (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), n’ont jusqu’ici apporté aucun résultat tangible. Mais l’avenir nous réserve peut-être des surprises. Affaire à suivre.

    Un jeu de puzzle
    À mon arrivée à Cornell, il me fallut faire un choix important. Il ne concernait pas le domaine de recherche dans lequel je m’engageais, mais la façon d’y travailler. Le métier de physicien offre deux branches différentes : d’un côté les observateurs ou expérimentateurs, et de l’autre les théoriciens.
    L’extrême technicité des moyens d’observation (télescopes, sondes spatiales, accélérateurs) et la difficulté des traitements mathématiques que nécessite l’exploitation des résultats ne permettent guère à une seule personne d’œuvrer efficacement dans les deux branches. Outre mon goût prononcé pour les mathématiques, j’avais pleinement conscience de ma maladresse pour les manipulations de laboratoire. Cette constatation eut tôt fait de me convaincre de choisir la voie de la théorie.
    L’activité du physicien théoricien me fait souvent penser à un jeu de « puzzle » dont les pièces, au départ, se présentent sous la forme d’un ensemble disparate dans lequel il faut trouver du sens. Le joueur essaie de reconnaître celles qui s’associent correctement pour faire une image cohérente. Ayant, par exemple, identifié un fragment de la queue d’un oiseau, il recherche d’autres éléments pour la compléter. Ce premier succès lui suggère la marche à suivre : assembler les différentes parties de l’oiseau pour l’avoir en entier. Ses pattes montrent qu’il est perché sur une branche. Il faut reconstituer l’arbre, etc.
    Peu à peu, il assemblera ainsi des fragments, qu’il ne lui restera ensuite qu’à accoler pour réaliser une fresque où chaque morceau aura une place précise dans le paysage.
    De la même façon, le chercheur se trouve confronté à une multitude d’observations différentes à partir desquellesil tente d’élucider le comportement de la nature dans un domaine déterminé : la vie des étoiles par exemple.
    Celui qui fait un puzzle possède sur le scientifique deux avantages qui lui facilitent considérablement la tâche. D’abord, toutes les pièces lui sont procurées à l’avance, chacune étant indispensable. Aucune ne manque, aucune n’est en trop. En outre, il connaît le but à atteindre : recréer l’image qui figure sur la boîte du jeu.
    Pour le savant, le parcours n’est pas fléché.

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