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Je n'aurai pas le temps

Je n'aurai pas le temps

Titel: Je n'aurai pas le temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hubert Reeves
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fus navré et plus que jamais décidé à prendre un peu l’air…
    J’habitais à ce moment-là avec ma famille à Duvernay, une nouvelle banlieue de Montréal, dans un joli petit bungalow entouré d’un jardin et à proximité des écoles pour les enfants. D’autres jeunes professeurs y avaient également leur domicile. Pour réduire nos dépenses, nous faisions ensemble le trajet en voiture matin et soir. Nous passions d’abord par le nord de la ville où vivaient beaucoup de professeurs associés, puis par Outremont, un quartier chic où demeuraient les professeurs titulaires, enseignants chevronnés de notre université. Un matin d’hiver, alors que nous empruntions ce chemin quotidien, j’eus la désagréable impression de voir mon avenir étalé devant moi. Je serais un jour promu professeur associé. Je quitterais alors Duvernay pour le nord de la ville. Plus tard, je serais titularisé. Je m’installerais à Outremont, où je resterais jusqu’à la fin de ma carrière, retraite comprise. Ma vie serait donc cantonnée dans ce coin infime de notre vaste planète ! Cette pensée me fut intolérable.
    De ce jour-là, je me mis à l’affût de toute occasion qui pourrait m’offrir un futur différent. Mon but devint clair : partir, aller en Europe, y vivre, en explorer les richesses. Ce projet me donnait des ailes.

    Au centre nucléaire de Chalk River
    En 1962, j’acceptai un travail d’été au centre nucléaire de Chalk River, sur les bords de la rivière des Outaouais, à la frontière du Québec et de l’Ontario. Ce centre abritait un accélérateur de particules d’un type nouveau sur lequel une équipe de chercheurs se préparait à effectuer une expérience qui m’intéressait particulièrement, en rapport avec le thème de ma thèse de doctorat.
    L’opération consistait à bombarder à l’aide de noyaux de carbone des cibles du même élément, provoquant ainsi les réactions qui, selon l’hypothèse qu’avec Salpeter j’avais présentée dans ma thèse de doctorat, seraient responsables de la formation des atomes de néon, sodium, magnésium, aluminium et phosphore au centre des supergéantes rouges (voir fig. V). Une simulation de ces phénomènes stellaires en quelque sorte ! Les résultats furent en relativement bonaccord avec nos estimations théoriques. Ils confirmaient nos conclusions antérieures. Nous pouvions maintenant tenir pour acquis le lieu de formation de ces éléments. Ils proviennent bel et bien des supergéantes rouges, une phase stellaire postérieure à la phase géante rouge.
    Nous étions donc fondés à continuer avec confiance les études sur la nucléosynthèse des éléments plus lourds comme le chlore ou l’argon, jusqu’aux métaux (vanadium, chrome, manganèse, fer, cobalt, nickel, cuivre, etc.), qui se poursuit tout au long de la vie des étoiles. Les légères différences entre les résultats des calculs et les données de laboratoire nous furent précieuses pour poursuivre cette recherche.
    Calculs théoriques et observations
    Lorsque l’on confronte des calculs à des observations, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
    Première éventualité : les désaccords sont énormes, on a manifestement fait fausse route. Il faut se remettre au travail sur des bases différentes. On a quand même progressé puisqu’on sait que la théorie n’est pas bonne. On ne s’y attardera plus ; elle est éliminée.
    Seconde possibilité : l’accord est très bon (en tenant compte cependant des incertitudes liées au calcul et à l’expérience). Bravo. Pourtant, si on a de bonnes raisons de penser que la thèse sous-jacente n’est pas entièrement satisfaisante, cette concordance ne permet pas de l’améliorer. C’est la situation frustrante dans laquelle se trouve aujourd’hui la physique des particules.
    Enfin : l’accord entre calculs et observations est à peu près bon, mais pas parfait. C’est le cas le plus intéressant. Nous sommes sur la bonne voie, mais nous n’avons pas encore atteint le but. Il faut affiner la théorie et les résultats nous en indiquent la direction.
    Voilà un bel exemple de collaboration entre différentes techniques scientifiques pour faire avancer la connaissance. Les télescopes mesurent la quantité des éléments à la surface des étoiles. Les accélérateurs de particules reproduisent en laboratoire les réactions nucléaires qui leur ont donné naissance. La combinaison des résultats obtenus

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