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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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effet les marques des moteurs d’avion et même la capitale du Belize. Le savoir et le savoir social sont deux éléments éminemment disjoints.
    Eu égard à ces circonvolutions, les premiers mois de Sciences Po, ironie du sort, ont représenté un certain soulagement : les matières, aux antipodes de celles du lycée et de mes intérêts, m’étaient pour la plupart inconnues, et une fois de plus j’étais probablement le plus jeune de la classe, n’ayant pas fait de prépa. D’autres sources de perplexité, j’allais dire d’équations sociales à résoudre, allaient néanmoins prendre le relais.

    Socialisation : comment échapper à Basile ?
    Il est temps d’aborder les moments les moins plaisants. Les étudiants avaient l’habitude de se rencontrer après les cours – les mauvaises langues disent pendant – dans l’un des deux ou trois petits restaurants ou cafés, ne me demandez pas la différence entre ces deux types d’établissement, qui entourent la rue Saint-Guillaume où sont sis les bâtiments les plus importants de Sciences Po Paris. À l’époque, et cela n’a pas tellement changé, je n’allais jamais seul au restaurant, et ignorais même que l’on pouvait entrer dans un restaurant sans autorisation expresse.
    Je garderai longtemps en mémoire la funeste scène : alors que la première année s’achevait, après le dernier cours mes camarades de classe décidèrent d’aller dans le petit bar (ou café ?) du coin : le mythique « Chez Basile ». À Sciences Po, tout le monde bien entendu le connaît, le fréquente, à tel point qu’il n’est pas même nécessaire de le nommer, chacun comprenant d’un geste où est la prochaine destination. Pas moi. Je passais devant « Chez Basile » plusieurs fois par jour, sans lever la tête. Je connaissais Saint-Basile-le-Bienheureux à Moscou, mais non Chez Basile. Une bonne décennie plus tard, songeant aux pages de ce livre, je me suis enfin rendu compte que j’ignorais l’essentiel.
    Revenons à la petite histoire. L’un de mes camarades de classe m’invitait avec insistance, répétant : « Mais viens ! Viens, Josef… » Terrorisé, je ne savais que répondre à une invite qui portait sur un élément inimaginable pour moi. Il avait eu sa propre lecture des choses et m’a proposé de me payer la consommation. Perdu, je m’étais enfui.
    Peut-être que dans les nombreuses situations de ce type, chercher à qui jeter la pierre n’est pas une démarche optimale. Il est trop simple de conclure à, au choix, la méconnaissance de l’autisme par mes camarades ou, même, dans les moments de paranoïa, à leur mauvaise nature intrinsèque. Symétriquement, affirmer que le résultat était issu de mon choix n’est pas tout à fait exact. Le problème est partagé. Sa principale lueur d’espoir tient à ce que, correctement appréhendé, il peut déboucher non sur un constat d’échec, mais sur des pistes pour mieux faire face aux situations analogues à venir.
    Il serait trop facile et inexact de conclure à un diagnostic de troubles psychiques à guérir. Prenons un exemple : si quelqu’un vous propose de visiter une base secrète des Martiens à côté de chez vous, accepteriez-vous d’y aller sur-le-champ ? Probablement que, ignorant comment vous conduire face aux habitants de la base en question, vous auriez un comportement analogue au mien. Pourquoi ce qui est causé par les Martiens est normal, alors que ce qu’entraîne Basile est pathologique ? Les Martiens sont peut-être des personnes fort agréables. Question d’habitude, de fréquentations et de normes sociales. L’analogie n’est pas tirée par les cheveux : après tout, j’avais mangé au restaurant avec mes camarades à peu près aussi souvent que vous l’avez fait avec des Martiens. De ces mauvais jugements, j’en avais moi aussi, naturellement : ils sont l’une des choses les mieux partagées. Pourquoi m’inviter soudain, quand ils n’avaient pas montré beaucoup de signes de gentillesse pendant l’année, du moins ceux que j’avais

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