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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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contacts sociaux. Un soir, durant l’hiver 1999-2000, par une de ces nuits qui tombent tôt, j’étais sorti de Sciences Po une vingtaine de minutes plus tard que d’habitude, le temps de régler quelques questions de livres. En allant à la station de métro, j’ai vu deux de mes camarades de classe qui s’embrassaient. Cela m’a un peu choqué. Pas sur le plan éthique. Mais parce qu’il ne m’était jamais venu à l’esprit que mes camarades restaient à proximité de l’établissement après la fin des cours : comme les profs nous disent toujours de travailler dur, je n’imaginais pas que les autres ne rentraient pas tout de suite travailler chez eux. Après, aussi, viennent toutes les questions : est-ce que je dois leur dire au revoir ou pas ? Être impoli vaut-il mieux qu’être trouble-fête ? Cela a l’air tout bête, mais c’était un peu la découverte du monde pour moi qui pensais que quand on était étudiant à Sciences Po ou dans un autre établissement, conformément aux consignes de la direction, pendant l’année universitaire on était censés travailler. Et non par exemple aller au cinéma. Sinon il y a une contradiction entre le fait d’être étudiant et de passer une heure ou deux à ne pas être étudiant. Peut-être que des fondamentalistes ou des talibans auraient apprécié.
    Au début, il n’y a pas d’interprétation qui vienne à l’esprit. Ce n’est qu’en réfléchissant, plus tard, que l’on commence à comprendre certaines choses, et à se dire qu’après tout certaines règles ne sont pas forcément à suivre, ou ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Toute la question est bien sûr de savoir jusqu’à quel point on juge normal qu’il y ait des entorses aux règles. Entre la vision officielle, où les étudiants travaillent dur pour l’excellence, et la vision cynique subversive, où Sciences Po est le maquillage respectable d’un lupanar où tout repose sur l’appétit financier et sexuel de maîtres prédateurs et sur le mensonge généralisé, toutes les opinions sont possibles. Toutes les attitudes également sont présentes, du moins tel est le sentiment que je retire de plusieurs témoignages entendus et racontés sous le sceau du secret. Cela montre également à quel point « normaliser » un autiste peut mener à des apories, puisque chacun des « modèles » est différent, et souvent, hélas, n’en est aucunement un sur le plan éthique.

    Histoires cocasses et apprentissage
    Sciences Po, comme tous les lieux orgueilleux, fournit sont lot d’histoires cocasses. Elles ont contribué à ma formation, peut-être en mal, peut-être en bien ; elles m’ont en tout cas rendu plus cynique que je ne l’étais avant. D’ailleurs cet apprentissage se poursuit même aujourd’hui ; il y a à peine quelques semaines, lors d’une rencontre suivie d’une discussion privée, j’ai appris de la bouche de la personne en question, chercheuse reconnue à Sciences Po, auteure d’articles publiés dans la presse la plus respectable qui soit, entre autres sur un certain pays, ne savait ni combien ce pays avait d’habitants, ni quelles langues on y parlait, et bien sûr n’y était jamais allée. Elle a une réputation d’excellence, alors que moi, pauvre ignorant, je n’ai jamais rien osé publier sur ce même pays où je suis allé plusieurs fois, dont j’ai passé des années à apprendre l’une des langues et à en découvrir une deuxième puis une troisième. Le plus remarquable est sans doute que ces quelques points ne semblaient en aucune manière troubler la sereine assurance de mon interlocutrice ; elle m’avait au demeurant elle-même posé les questions susdites. Quant à moi, j’ai joué le jeu, feignant de ne pas percevoir le comique de la situation.
    Mais revenons en arrière et à mes premières découvertes. Ce camarade de classe dont la presse, y compris anglophone, parlait déjà à l’époque, grâce au rôle de ses parents, aujourd’hui jeune homme politique en quête de pouvoir, et dont une partie difficilement

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