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Je Suis à L'Est !

Je Suis à L'Est !

Titel: Je Suis à L'Est ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Josef Schovanec
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dans la cuisine commune. Cela m’a valu une réaction désastreuse de l’un des colocataires parce que, d’une part, il lui a paru grotesque que moi, le petit Français, j’écrive pareilles choses, et d’autre part, ce dont je ne m’étais pas rendu compte, c’est que j’avais collé cela au-dessus de la poubelle. Il avait arraché la petite calligraphie, et collé sur la porte de ma chambre une feuille déchirée, avec des lettres griffonnées au stylo : « Vive la France. » J’ai compris que j’avais fait une gaffe.

    Les dernières années
    La fin de mes études à Sciences Po ne mérite pas de longs commentaires. Elles furent difficiles pour une autre raison, à savoir que je commençais à être sous neuroleptiques. La dernière année, notamment, je suis peu allé en cours. J’avais une excuse : j’avais réussi à m’arranger pour dire que je faisais un mémoire de DEA, ce qui était vrai. 95 % des étudiants, voire plus, n’en faisaient pas et ignoraient cette possibilité de dérogation aux cours de dernière année. Autant dire que le mémoire de DEA avait en partie réussi à dissimuler le fait qu’avec certains comprimés je dormais quasi en permanence, ne pouvais parler et avais maints autres symptômes encore.
    Les dernières semaines à Sciences Po ont été complètement à côté de la plaque. Je me suis alors convaincu que j’avais une maladie mentale assez prononcée.
    Ã€ la toute fin, je n’ai bien sûr participé à aucune des cérémonies. Ni photo ni pot ni autre singerie des jeunes loups aux dents longues. D’ailleurs, je crois que personne, à part quelques étudiants en DEA qui à l’époque n’étaient pas dans le cursus « normal » de Sciences Po, ne savait qu’il y avait un étudiant à mon nom.
    Aujourd’hui, dans mon for intérieur, je ne me considère pas comme diplômé de Sciences Po. Il faut l’afficher parfois sur les labels. Mais que faire ? Moi, c’est Josef. Le fait que je sois ou non diplômé de Sciences Po ou d’un autre établissement, c’est comme avoir ou non un mouchoir dans la poche. Il se trouve qu’il est là, mais on ne se définit pas par rapport à lui. On ne voit pas de l’extérieur qu’il est là. Il peut tout au plus servir, en cas d’urgence sociale, à évacuer le fiel.

    Quand la foire des doctes continue
    Une des choses amusantes en Allemagne, qui ne semble pas pratiquée en France, ce sont les titres des universitaires. Dans la brochure qu’impriment les universités en début d’année et qui recense leurs cours, chaque personnage montre ses titres : Dr, PhD, Prof, avec quelques sigles plus cryptiques. Certains sont tellement décorés que la ligne peine à tenir leurs particules : Sen em. Prof Prof h.c. Dr Dr h.c. Prénom Nom PhD JuDr ThDr et autres. Dans La Nef des fous 1 , les doctes occupent une éminente place dans la compagnie. Je ne pensais pas alors finir par en faire d’une certaine manière partie.
    Ã€ l’issue de Sciences Po, avec le sentiment d’être incapable de travailler, déjà sonné par les cachetons mais pas encore tout à fait, je décidai de m’inscrire en thèse. Après plusieurs épisodes et échecs dus à mes inaptitudes sociales, je fus pris en pitié par un professeur allemand, Heinz Wismann.
    Les premières années furent très difficiles, tant du fait de mon état de santé que de mes incapacités. Prenons un exemple : comment joindre mon patron pour prendre rendez-vous avec lui ? Par email, c’est compliqué ; il ne répond pas forcément, étant fort sollicité par ailleurs. Il ne m’avait pas donné son numéro de téléphone, parce qu’il pensait que cela circulait entre étudiants, ou qu’on s’arrangeait pour le trouver. De toute manière, même si j’avais eu son numéro de téléphone, pour moi il était impensable à l’époque – en 2003, 2004, 2005, voire 2006 – de téléphoner à quelqu’un. Le déranger. Lui demander un service. Et quand je réussissais, au bout de quelques années, à prendre mon courage à deux mains et à

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