Je Suis à L'Est !
lui téléphoner, une fois quâil décroche, quâest-ce que je dis ? « Je voudrais avoir un rendez-vous avec vous »⦠impossible. Alors, jâessayais de le dire de manière détournée. Du coup, il ne comprenait pas ce que je voulais lui dire. Et les problèmes sâaccumulaient. Câest-à -dire que, quand vous avez eu plusieurs expériences négatives, la donne se complique encore. Ces quelques lignes peuvent par ailleurs faire comprendre pourquoi je ne pouvais travailler en entreprise, hors poste spécialement adapté : savoir téléphoner, nâest-ce pas élémentaire ?
Ainsi, jâai passé mes premières années de thèse dans une complète solitude. Avec les effets des médicaments, il y avait des cercles vicieux : quand vous ne sortez pas parce que cela vous est difficile, cela devient encore plus difficile. Même pour la personne la plus « normale » qui soit.
Le point le plus bas a probablement été atteint vers 2005 ou 2006 : à lâépoque, sur le plan médical, les choses sâamélioraient, vu que mes doses de médicaments commençaient à baisser. Mais mes compétences sociales ne suivaient pas. Ma thèse était au point mort ou presque. Vers la fin de lâannée calendaire, jâétais allé dans un centre sâoccupant de lâemploi des personnes handicapées, habitué à recevoir des gens particulièrement désocialisés â du moins selon leurs propos. Jâétais prêt à exercer, comme on dit, tout emploi. Ils ont discuté quelques minutes avec moi, mâont fait remplir un formulaire, puis mâont dit quâils ne pouvaient rien pour moi. Je me retrouvai dans la rue, conscient que la situation était plus compliquée que prévu.
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1 . Ouvrage allemand satirique et moralisateur du Strasbourgeois Sébastien Brant, écrit à la fin du XV e  siècle, qui est un véritable voyage à travers les différentes formes de folie.
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Psy (-chopathe, -chiatre, -chologue, -chotique)
(Note au lecteur : ce chapitre, comme toute production due au délire, décousue, comporte moins de rubriques ou sous-chapitres.)
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Câest à mon retour dâAllemagne, en un de ces derniers jours du mois dâaoût de lâan de grâce 2001, que jâai poussé pour la première fois les portes dâun cabinet psy. Cabinet psy sans autre précision, car à lâépoque la distinction entre psychiatre, psychologue et psychanalyste était bien floue pour moi, tous personnages fort importants à qui tout citoyen devait respect (et argent).
Jusquâalors, aucun des différents spécialistes que jâavais rencontrés nâavaient porté de diagnostic sur mes bizarreries, mes angoisses et difficultés pathologiques à communiquer et, somme toute, à me conduire en société comme la majorité de mes concitoyens.
Au cours de mon long parcours psy, jâai toujours eu en tête la fameuse plaque historique du Dr Petiot, « INTERNE DES HOPITAUX DE PARIS », et sur laquelle lâusage des majuscules sans accent empêchait de savoir sâil avait été « interne » ou « interné », la deuxième alternative étant la vraie. Pour la petite histoire, un des psychiatres que jâallais, plus tard, régulièrement consulter avait pour collègue dans son cabinet un homologue de lâillustre personnage, et donc la plaque murale donnant la liste des médecins affichait entre autres un certain « Dr Petiot ». Nul ne choisit son patronyme, du moins celui dâorigine, et pourtant il en est de fâcheux, notamment pour lâexercice de certaines professions. Autre élément dâindistinction : tandis quâen français « psycho », dans des expressions telles que « faire psycho », évoque plutôt une activité du supposément bon côté de la barre, à savoir celui de lâaliéniste, en anglais psycho se réfère plutôt à lâaliéné. Au tout début de ma triste carrière psy, ces éléments ne perturbaient pas trop mon sentiment de respect dû à ces personnes. Peu à peu, lentement, un doute allait grandir en moi sur lâidentité effective des protagonistes. Aujourdâhui,
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