Je Suis à L'Est !
début, jâai été confronté à une catégorie de la population dont jâignorais tout : les journalistes. Cela a commencé par un souvenir touchant, celui de ma première radio, début 2007 : une émission sur Aligre FM, petite radio associative, au studio dissimulé dans un immeuble parisien. Un moment qui a encore renforcé ma sympathie pour les radios associatives, tenues par des passionnés indifférents à lâAudimat, et dont les studios, anarchiques, sont en soi un musée de lâinconscient humain.
Les choses ont viré à lâorage avec lâarrivée, peu après, dâun autre type de journalistes, ceux de la télé. Ils se déplacent généralement par deux, comme les cathares de lâancien temps. Lâun tient un petit tube que lâon met près de votre bouche, lâautre porte un tube plus gros, souvent sur trépied, qui rend les gens fous. Lâinterrogatoire de lâhérétique peut commencer.
En lâespace de deux ans â entre novembre 2007 et novembre 2009 â, je suis passé sur quasiment toutes les télévisions de France. Que cela paraît loin. Les passions que nos deux frères cathares suscitent sont aussi violentes quâéphémères. Ces émissions nâont amené pour moi quasiment que des ennuis : beaucoup de temps investi, beaucoup de stress, avec en retour beaucoup de jalousies, de rumeurs, de rivalités. Lâune de mes déceptions était que les gens se souvenaient de ma figure, presque jamais de mon message : jâétais devenu, pour les gamins dans la rue comme pour le garagiste du coin, « le monsieur quâon voit à la télé », fort rarement quelquâun qui parle de lâautisme. Autre triste apprentissage, celui des coulisses du monde des médias. Le plus important ou marquant fut quand même celui du pouvoir de fascination quâexerce le média télévisuel. Une fois, lors dâun reportage pour la télé, jâétais accompagné dans la rue par deux journalistes. à un moment, épuisé, je leur dis que je vais passer à la boulangerie mâacheter un petit quelque chose pour remonter mon taux de sucre. La boulangère est alors très sèche. à son habitude, sans doute. Pendant que je mange, nos deux amis, cédant à leur envie, arrivent à la boulangerie à leur tour pour acheter quelque chose. Câest alors que le triste miracle se produisit : changement complet dâattitude de la boulangère qui me regarde, et me questionne avec insistance : « Comment tu tâappelles ? Tu habites où ? » en me tutoyant dâemblée. Alors que je nâavais guère changé en une ou deux minutes. Pourquoi tout cela ? On se rend compte, finalement, à quel point il est des phénomènes irrationnels. Là encore, apprentissage certes perturbant, mais nécessaire, quâautrement je nâaurais probablement jamais eu.
Il y en eut dâautres. Jâessaierai de ne donner que quelques petites histoires. Certaines peuvent être considérées comme « résolues », câest-à -dire que jâai à peu près compris la morale de lâhistoire, mais dâautres demeurent des énigmes. Dans la deuxième catégorie figurent les réactions flatteuses après chaque passage à la télé. Mais je peine à comprendre en quoi parler pendant une ou deux minutes à la télé constitue un exploit, dâautant plus que souvent le passage sélectionné au montage est celui qui vous paraît le plus décevant â un problème que je contourne en ne regardant pas mes émissions. Donc quand des gens me disaient que câétait bien, jâhésitais entre la posture franche, consistant à nier, ou la posture hypocrite, consistant à remercier pour le compliment. Avec en prime la nécessité de trouver une tournure qui ne soit pas juste une phrase stéréotypée.
Une autre petite histoire fort pénible mais à lâissue heureuse fut celle du taxi. Elle mâavait paniqué et hanté durant des mois. Je devais participer à deux émissions, une chez Delarue et une sur la pareillement défunte chaîne Direct 8, dont le point commun était de faire venir les invités en taxi. La première ne sâest
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