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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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« laisser faire », où son geste à elle devenait inutile, où l’archange de mort était là prêt à frapper, elle sentit que de mystérieux liens l’attachaient à Passavant. Elle eût voulu le sauver.
    S’approchant rapidement du chevalier, dont elle s’était éloignée au moment où Saïtano entrait, elle posa sur son bras une main tremblante, et elle le considéra avec un tel regard d’amour pur que Passavant se sentit bouleversé.
    Elle n’était plus la reine aux ambitions formidables rêvant la restauration d’un empire dont elle eût été la Sémiramis… Elle n’était plus la femme adultère commettant l’immonde escroquerie qu’alors on punissait de la flagellation en attachant nue sur un âne la voleuse d’honneur qu’on promenait ainsi par la ville… Elle n’était plus la somptueuse et tragique ribaude qui attirait le duc d’Orléans au magique et mortel traquenard de sa beauté perverse… Elle fut toute candeur, toute pureté, elle fut femme au sens le plus poétique, elle offrit un amour de vierge. Et sa voix supplia :
    – Chevalier, cette fortune étrange, inouïe, fabuleuse, dont je vous parlais, voulez-vous qu’elle soit pour vous ? Oh ! ne vous hâtez pas de me répondre. C’est une dernière grâce que je vous demande. Voulez-vous pendant trois jours être l’hôte de la reine de France ? Je jure que pendant ces trois jours vous serez sacré pour tous, même pour Jean de Bourgogne. Je jure que si alors vous vous écartez de moi, si vous me repoussez, vous sortirez sain et sauf de l’Hôtel Saint Pol… Répondez, chevalier.
    Saïtano écouta avec angoisse, Bois-Redon avec terreur.
    Le chevalier, sans s’incliner, sans donner à la reine l’illusion d’un respect hypocrite, la regarda dans les yeux avec une douceur sincère.
    – Madame, dit-il, pardonnez à un malheureux qui devrait se prosterner à vos pieds pour vous remercier ; si j’acceptais d’être votre hôte, Majesté, je mentirais car ce serait vous laisser croire qu’il peut y avoir en moi une hésitation…
    Il s’arrêta. La reine recula, très pâle, et murmura :
    – Et vous n’hésitez pas ?…
    – Non, reine, dit Passavant avec fermeté. Je réprouve cette aversion du mensonge qui me force à vous humilier alors que je vous devine en ce moment si belle et si grande. Mais quoi qu’il arrive, je ne mentirai pas. Lorsque cet homme est entré, j’allais jurer… je jure…
    – Prenez garde ! répéta Saïtano.
    Le sorcier, en même temps, plongea son regard dans les yeux de la reine. Ceci voulait dire :
    – Me le livrez-vous maintenant ?
    – Je te le livre ! répondit Isabeau.
    Sa physionomie s’était transformée en ce peu d’instants au point d’être à peine reconnaissable. Le chevalier avec étonnement vit cette figure si douce et suppliante se marquer des taches livides de la rage, ces traits délicats devenir durs, ces yeux noyés de tendresse flamboyer d’un feu sombre.
    Dès lors, il se retrouva prêt à la lutte. Il se tourna vers le sorcier et prononça :
    – Par le Dieu vivant, ce n’est pas toi qui m’empêcheras de proclamer et de jurer que j’aime la noble demoiselle Odette de Champdivers, et…
    – Vous avez menti ! cria Saïtano.
    Il y eut un moment de stupeur. La reine se rapprocha. Bois-Redon recommença à trembler. Quant au chevalier, il avait eu d’abord un geste furieux, puis tout à coup il haussa les épaules, son sourire aigu reparut :
    – Allons, dit-il, vous me devez déjà vos deux oreilles… Je vais être aussi forcé de vous couper la langue.
    – Non, dit Saïtano avec un rire sinistre. Je dis que vous avez menti, et je le prouve !
    – Tu le prouves ? rugit Passavant ivre de fureur cette fois.
    – Je le prouve. Vous n’aimez pas Odette de Champdivers. Vous aimez Roselys d’Ambrun. Osez jurer maintenant !
    Passavant recula. Une pâleur mortelle s’étendit sur son fin visage. Ses yeux se troublèrent. Tout se brisa en lui. Il se courba comme assommé par le coup porté à son cœur.
    – Eh bien ! dit Saïtano d’une voix si grave qu’elle en était funèbre, qui de nous a menti, chevalier ? Si la demoiselle de Champdivers était ici, oseriez-vous en toute loyauté lui donner votre cœur, sachant que ce cœur, depuis votre enfance, est à une autre que vous cherchez, dont vous portez l’image adorée partout où le hasard vous mène ? Parlez donc…
    – Démon ! murmura le chevalier en lui-même. Démon

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