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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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bout d’une route longue et dangereuse,
souvent parcourue à pied. Pour qu’ils puissent réussir, Dieu donne à ces
charismatiques des dons particuliers (qu’on retrouve dans de nombreuses vies de
saint) : ils reconnaissent sans les avoir jamais vus ceux qui se
présentent à eux, ils lisent les péchés et les secrets au fond des cœurs.
    Comme les prophètes bibliques, Dieu les a munis de signes
qui les identifient et de textes antérieurs qui les annoncent. Beaucoup de
signes sont de simples marques corporelles : ainsi la croix rouge sur le
bras droit de Pierre Hug ou les plaies christiques de l’inspirée de Bresse en
1423. Jeanne elle-même porte une marque rouge derrière l’oreille droite et le
petit berger du Gévaudan qui la remplacera en 1430 est un stigmatisé. Mais le
signe peut également être un événement à venir. Les Pharisiens avaient
autrefois demandé à Jésus un signe pour le croire : Il leur répondit qu’il
ressusciterait. Jeanne donne pour signe la libération d’Orléans, mais celle-ci
est à venir et, dans un premier temps, il n’y a donc pas de signe.
    Tout prophète est annoncé. Ainsi Isaïe avait prévu la venue
de Jean-Baptiste qui lui-même avait annoncé le Christ. Bien sûr, tous les
prophètes de la fin du Moyen Âge ne pouvaient espérer figurer dans les
Écritures, mais les livres de Merlin ou des Sybilles fournissaient nombre de
possibilités alternatives. C’était aux théologiens de juger à l’arrivée de
l’inspiré(e) s’il s’agissait d’un vrai ou d’un faux prophète. Car même
l’université de Paris, qui condamna Jeanne, croyait à la possibilité d’une
vraie prophétie. En 1413, elle avait adressé une lettre-circulaire demandant à
tous ceux à qui Dieu avait fait des révélations de se faire connaître. Pour
trier celles-ci, deux générations de théologiens, dont Pierre d’Ailly et Jean
Gerson sont les plus connus, avaient mis au point des batteries de tests.
Certains portaient sur la personne (le prophète devait être chaste, pieux et
pénitent), d’autres sur le message, qui devait viser au bien de toute la
chrétienté et être conforme aux commandements de Dieu, d’autres encore sur les
annonces (qui avait parlé de Jeanne ou de Marie avant qu’elles
n’apparaissent ?).
    Jeanne entra certes dans le moule que ses humbles
devancières avaient créé, mais elle en fit de toute part craquer les limites.
Elle était, dit-on, une pauvre bergère, née sur une lointaine frontière. Elle
avait entendu une voix et pris la route pour un voyage de onze jours, en plein
hiver, dans un pays ravagé par la guerre. Et c’est par son exemple extrêmement
bien documenté que nous voyons fonctionner les procédures complexes, utilisées
depuis 1380, pour distinguer vrais et faux prophètes. Jeanne existait avant
Jeanne. Marie Robine, notre prophétesse avignonnaise morte en 1399 (Jeanne
naquit treize ans plus tard), avait vu des armes, « mais ces armes
n’étaient pas pour elle mais pour une Pucelle qui viendrait après elle pour
délivrer la France de ses ennemis ». D’ailleurs, à la Cour, beaucoup
furent persuadés, dès que Jeanne parut, qu’elle était celle que Marie avait
annoncée.
    La Pucelle, qui n’avait jamais entendu parler de Marie
Robine, savait en revanche, avant de quitter Domrémy, que « la France
perdue par une femme serait restaurée par une Pucelle ». Cet adage
s’appliquait à l’origine à la chrétienté tout entière, perdue par le péché
d’Ève et sauvée par la Vierge Marie. Au XIV e siècle, la femme
pécheresse avait été identifiée à Isabelle de France, épouse d’Edouard II,
dont la réputation était exécrable (elle avait fait assassiner son époux et
gouvernait avec son amant), et la Pucelle à la petite Isabelle, fille de
Charles VI, dont le mariage avec Richard II semblait annoncer le
retour de la paix entre la France et l’Angleterre. Au début du XV e siècle, la femme pécheresse fut assimilée à la reine Isabeau, qu’une vierge aux
contours encore à définir équilibrerait. À Vaucouleurs, la formulation a un peu
changé. Jeanne propose : « N’avez-vous pas entendu dire que la
France, détruite par une femme, serait restaurée par une Pucelle venue des
marches de Lorraine ? » Quelque part entre Vaucouleurs et Chinon,
certains lui parlèrent des prophéties disant qu’une Pucelle venue du Bois Chenu
ferait des merveilles. Le bois qui dominait son village portait-il déjà

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