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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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chacun a un prénom et un nom
de famille, y voient des réticences à avouer son véritable nom (qui serait
« Jeanne d’Orléans ») et une volonté de récuser la famille d’Arc. En
vérité, c’est si elle avait dit : « Je m’appelle Jeanne d’Arc »
que ce serait suspect. Aucun document contemporain ne la nomme ainsi à
l’exception de quelques actes juridiques (dont l’acte d’anoblissement). Les
petites villageoises n’ont encore qu’un prénom, contrairement aux petites citadines
ou aux filles nobles. Elles sont filles de…, plus tard épouses de…, puis veuves
de… En Champagne, la filiation peut d’ailleurs se faire à la mère comme au
père. Ici, le père s’appelle Jacques d’Arc et la mère Isabelle Romée ou
Isabelle de Vouthon. Nous ignorons tout des noms portés par la génération
précédente. D’Arc, Romée, Vouthon sont-ils encore des surnoms personnels ou
déjà des noms de famille transmissibles ? Jeanne patauge quand les juges
lui parlent de surnom, parce qu’elle ne voit pas de quoi il s’agit. Le 24 mars,
réinterrogée sur son nom, ce n’est plus « On m’appelle… », identité
imposée par l’usage et l’entourage, mais « Je m’appelle la
Pucelle… ». L’identité n’est pas pour elle affaire d’héritage mais de
construction personnelle. Elle a trouvé son surnom.
    Cette famille, sa famille, l’a aimée. On en a de nombreuses
preuves. Sa mère prie pour elle, son père vient la voir à Reims, ses frères
l’accompagnent partout. Elle les a aimés. Surtout Catherine, sa sœur et son
alter ego. Depuis sa mort, elle se sent seule.
    Son père, sa mère et tous les autres habitants du village
étaient armagnacs. Depuis son enfance, elle entendait dire grand bien de la
famille et du parti d’Orléans. Le siège d’Orléans par les Anglais motiva son
départ. Quand elle arriva à Chinon, les Armagnacs l’appuyèrent, elle était des
leurs. Sa mission prévoyait en effet la libération du duc Charles, prisonnier
en Angleterre. Elle fréquenta Alençon, gendre de Charles, Dunois, son
demi-frère, le comte d’Armagnac, son beau-frère, Bonne Visconti, sa cousine,
tout comme la plupart de ses officiers qui l’hébergèrent ou la conseillèrent.
Un parti médiéval est une sorte de famille où les intérêts du chef vont de pair
avec un programme politique. S’il n’y a aucune filiation biologique entre
Jeanne et la famille d’Orléans, il y a bien une proximité politique et
affective. Elle était le meilleur emblème dont ils pouvaient rêver.
    Cependant, Jeanne n’en a jamais porté ni le nom ni les
armes. La dénomination « Pucelle d’Orléans » date du milieu du XV e siècle. Lorsque Charles VII lui attribue, en juin 1429, des armoiries
ainsi décrites : « D’azur à deux fleurs de lys d’or et au milieu une
épée d’argent passant avec une couronne d’or en chef », le jeune roi ne
cherche pas à suggérer une parenté inexistante – 20 % des armoiries
relevées avant 1300 dans l’Armoriai Wijnbergen, le plus ancien armoriai de la
France du Nord, utilisent l’or, l’azur ou la fleur de lys. Presque toutes les
familles qui en sont dotées sont des proches du roi par le sang ou par le service.
Quand le roi veut récompenser une ville ou un individu pour leur fidélité, il
donne ses couleurs ou le droit d’ajouter une ou plusieurs fleurs de lys. Enfin,
si Jeanne était une Orléans, il faudrait ajouter un lambel d’argent (Louis
d’Orléans est le second fils de Charles V, seul l’aîné porte les armes
pleines) et la bande qui marque la bâtardise, comme sur les armoiries de Dunois
ou celles de Marguerite de Valois. L’épée est un meuble de l’écu ; elle ne
peut en aucun cas servir de brisure. Le duc de Bedford l’accusa d’orgueil pour
avoir presque pris les armes de France. Mais ces armoiries, Jeanne ne les a
jamais portées, contrairement à ses frères et aux affirmations de Bedford. Elle
leur préférait, dit-elle, l’étendard céleste, le signe de Dieu, au signe des
hommes.
    Il y avait donc bien un roi dont la pieuse Jeanne acceptait
d’être la fille : Dieu, dont le ciel et la terre sont le royaume.
« Ses voix l’ont appelée fille de Dieu, à Orléans pour la première fois,
et depuis continuellement. » Peu nombreux sont ceux qui l’ont su. C’était
pourtant, aux yeux de Jeanne, une filiation plus extraordinaire que toutes les
filiations terrestres !
     

4

Mandatée par Dieu ?
    Les

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