Jeanne d'Arc Vérités et légendes
d’Arc. Un bâtard peut
être canonisé ; c’est la canonisation de ses parents qui serait
problématique ! D’autre part, à la même période, le père Dondaine a sorti
des archives du Vatican pour l’éditer le Breviarium historíale de Jean
Dupuy, ambassadeur de Charles VII à Rome, dont les passages sur Jeanne
d’Arc n’ont d’équivalent nulle part ailleurs. Le père Dondaine, que je sache,
n’a pas été inquiété et il n’est interdit à personne de feuilleter l’Archivum fratrum predicatorum de 1942. Encore faut-il le faire !
Toujours est-il que les conclusions de Poitiers furent
mi-chèvre, mi-chou. Favorables, car la personne de Jeanne faisait l’unanimité,
et réservées, puisque le signe était toujours à venir. « Ses promesses
sont seulement œuvres humaines. Mais ne pas croire serait douter du
Saint-Esprit et se rendre indigne de l’aide de Dieu. » Si son entreprise
vient des hommes, elle échouera, mais si elle vient de Dieu, elle réussira. La
prophétesse, ainsi acceptée, fut présentée à la Cour dans la grande salle du
château de Chinon. Le roi chargea Jeanne d’accompagner l’armée qu’il envoyait
secourir Orléans. Pâques, fête du renouveau, approchait.
Parallèlement, la chancellerie royale se mit au travail pour
constituer des dossiers de prophéties pour appuyer la nouvelle prophétesse, et
identifier Jeanne à la Pucelle attendue. Au passage, quelques textes rédigés
pour l’occasion apparurent, tels « Virgo puellares ». Une
jeune fille vêtue comme un homme dirigera des hommes d’armes. Dieu lui a promis
la victoire sous les murs d’Orléans.
Un cas à part
Et c’est ici que le destin de Jeanne se sépare de celui de
toutes ses devancières. Là où celles-ci ne recevaient qu’un message, le
communiquaient au roi et regagnaient ensuite leur village, munies d’une grosse
aumône, pour retomber dans l’anonymat, Jeanne avait des révélations dont la
fréquence s’adaptait aux nécessités du politique. Elle fut visible, trop même
peut-être, et sa trajectoire météorique bouleversa le royaume. Là où les autres
se contentaient d’en appeler à la conscience du roi et n’entreprenaient pas de
réaliser leur message, Jeanne voulait faire. Dieu lui avait confié une part au
moins de la réalisation des messages qu’elle recevait. Cette absolue nouveauté,
aux yeux des contemporains comme aux nôtres, n’est en réalité qu’un retour à
l’Ancien Testament. Comme Judith avait libéré Béthulie assiégée, Jeanne
sauverait Orléans. Comme Déborah avait porté l’étendard sur le champ de
bataille aux côtés du chef du peuple et concrétisé la victoire qu’elle avait
prédite, Jeanne serait le porte-étendard de Dieu aux côtés du roi
Charles VII. Autrefois, le peuple élu avait souvent été conduit
conjointement par un roi sacré et par un prophète ; Charles et Jeanne
pourraient-ils ainsi sauver ce nouveau peuple élu qu’était le royaume de
France ? Même devenue chef de guerre, Jeanne reste prioritairement aux
yeux des siens une prophétesse. Les armes qu’elle porte lui viennent de Dieu,
qu’il s’agisse de l’épée miraculeuse de Fierbois ou de l’étendard dont sainte
Catherine et sainte Marguerite ont dicté la forme. Ce drapeau protège ceux qui
l’entourent et assure la victoire. Jeanne sait comment et où attaquer. Nulle
défaite n’est possible avec elle. Les Armagnacs l’ont cru.
1429 se transforma en année des merveilles, d’autant que le
Vendredi saint y tombait le jour de l’Annonciation, une coïncidence liturgique
rare : la précédente conjonction remontait à 1407 ! Au duc d’Orléans
assassiné répondrait la libération de sa capitale. Jeanne se sert de la
prophétie comme d’une arme politique pour encourager ses troupes ou pour
prédire la défaite anglaise. Elle sait que les Anglais seront boutés hors du
royaume. Dans un avenir qui est écrit, leur perte est assurée. Elle sait que si
l’armée royale jeûne et prie, si elle se transforme en une armée de guerriers
purs, assistés d’anges, Dieu leur enverra la victoire…
Néanmoins, ce retour massif au prophétisme biblique ne
pouvait guère durer. L’année des merveilles dura six mois. En cas de nécessité
extrême certes, la voix du peuple était la voix de Dieu. Mais, dans les cercles
du pouvoir, nul n’était vraiment disposé à accorder un pouvoir réel et durable
aux inspirées. Les capitaines jalousaient Jeanne
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