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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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ce nom
assez passe-partout, puisqu’il s’agit d’une forêt de chênes ou d’une forêt
anciennement plantée ? Il est très probable qu’il y a en France un certain
nombre de bois chenus, à Domrémy comme ailleurs. On attendait donc l’arrivée
d’une Pucelle qui sauverait le royaume du péché comme de la guerre étrangère.
Ces versets prophétiques, dont la précision et la clarté ne sont évidemment pas
les vertus essentielles, circulaient oralement dans l’est de la France depuis
deux ou trois décennies. Ce substrat prophétique existait en latin et sous
forme longue pour les clercs («  ex nemore canuto », « de
la forêt de chênes », vient de Merlin) et en français sous une forme
simple et courte pour les paysannes comme Jeanne. Il restait à celle-ci à
prouver qu’elle était la Pucelle attendue.
    Comme toutes les prophétesses potentielles, elle fut d’abord
examinée par les autorités locales. Robert de Baudricourt, le châtelain royal
de Vaucouleurs, s’informe sur ses mœurs et sur son équilibre mental, il la fait
parler et même exorciser pour plus de sécurité. Il l’envoie tester ses dons à
la cour du duc Charles de Lorraine. Succès mitigé : le duc ne guérit pas
de la goutte et se refuse à reprendre sa bonne épouse qu’il a chassée. À moitié
satisfait, il donne 4 francs à l’inspirée. Il n’y a pas lieu de placer ici
l’épisode légendaire du cheval donné par le duc avec lequel Jeanne aurait fait
sa première démonstration équestre. C’est un doublet de l’épisode ultérieur de
Chinon qui apparaît pour la première fois au milieu du XVIII e siècle
dans L’Histoire de Lorraine de Dom Calmet. Puis, Robert, qui a
probablement entre-temps reçu des instructions (la présence de Colet de Vienne,
messager royal, va dans ce sens), envoie la fille à Chinon.
    Après une première entrevue avec le roi où elle le reconnaît
et lui révèle le message divin, elle est mise en observation au château du
Coudray. En ces temps de Carême, chacun peut voir qu’elle jeûne, prie et
fréquente assidûment les églises. Sa virginité est vérifiée. Elle est trouvée
« femme et vierge, bonne et humble personne ».
    Le roi, intrigué et perplexe, fait réunir à Poitiers une
commission de théologiens et de conseillers royaux, présidée par Renaud de
Chartres, archevêque de Reims et chancelier de France. Les interrogatoires
durent trois semaines. Tout ce que nous savons sur ceux-ci provient des
déclarations de Jeanne, qui à Rouen renvoie souvent les juges à ce qui est
écrit dans le « livre de Poitiers ». C’est une manière efficace de ne
pas répondre, en soulignant que ces points ont déjà été traités par d’autres
théologiens qui ont approuvé ses réponses. Et penser que les juges de Rouen
aient pu avoir accès au procès-verbal de Poitiers est une plaisanterie.
Charles VII n’entra en possession du procès en condamnation que lorsqu’il
fut le maître de Rouen et de Paris. Le contraire est tout aussi vrai.
    Y eut-il d’ailleurs un « livre de
Poitiers » ? Jeanne appelle « livre » des écrits qui ne
font que deux ou trois pages. Les conclusions de Poitiers que nous possédons
pourraient, à ce compte-là, être le livre. Ou peut-être n’y a-t-il eu que des
minutes (des brouillons) qui ne furent jamais ni mises en forme ni gardées, ce
qui expliquerait que, lors du procès en nullité, les avocats du roi puis les
juges ne s’en servent jamais et considèrent manifestement ce livre comme perdu.
    Mais ce livre, affirment nos polygraphes, contenait des
informations secrètes de la plus haute importance ! Jeanne aurait avoué
devant la commission de Poitiers son identité de bâtarde royale, selon
G. Pesme, M. Gay, ou E. Weill-Raynal. Il faut donc absolument le
retrouver. C’est alors qu’apparaît aux XIX e et XX e siècles l’armoire de fer du Vatican, lieu symbole de tous les secrets que
l’Église s’efforce de protéger. « Ce refus obstiné de l’Église de Rome de
communiquer quelque information que ce soit sur le « Livre de
Poitiers » » peut en réalité s’expliquer tout simplement par
l’inexistence du livre. Tous ceux qui sont supposés l’avoir vu entre 1933 et
1970 sont morts. Toutes les copies qui en auraient été faites ont
mystérieusement disparu. C’est bien commode.
    On ne voit d’ailleurs pas pourquoi l’Église aurait caché le
livre, dans la perspective de la canonisation de Jeanne

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