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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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péchés capitaux [47] .
L’envieux regarde d’un mauvais œil les succès d’autrui, qui lui font
concurrence. Il se met à diffamer celui qu’il jalouse et à en préparer
secrètement la perte. Serait-ce un péché des classes inférieures, paysans ou
artisans, de ceux qui n’ont ni richesse, ni position sociale, ni
renommée ? Le Moyen Âge n’en est pas sûr. Les lieux où l’envie règne en
maître sont plutôt, pour lui, l’université de Paris (il est probable que les
juges de Jeanne envient son charisme) et la cour royale. C’est là en effet que
se distribuent les faveurs du prince, les honneurs, les richesses et les
commandements militaires.
    L’armée royale, succursale, si l’on peut dire, de la Cour,
était aussi un des hauts lieux de l’envie. Pour des raisons diverses : les
capitaines étaient par naissance dépendants de tel ou tel prince. Ils en
recevaient fiefs ou pensions. Ils commençaient souvent leur carrière au service
du prince, avant de passer à celui du roi. Mais ils restaient liés à leur
ancien maître, qui pouvait au Conseil favoriser leur avancement ou lui nuire.
Il y avait donc des capitaines armagnacs, d’autres angevins, d’autres
bourbonnais… Comme l’avancement ne faisait guère encore l’objet de règles bien
nettes, les postes et le versement des soldes restaient liés davantage à la
faveur et au sang qu’à la compétence ou à l’ancienneté. Même fort jeune, un
prince se voyait confier une armée, quitte à être flanqué, quand même, d’un
professionnel expérimenté.
    Quand Jeanne d’Arc parut, les capitaines durent composer.
Femme et paysanne, elle n’avait pas le profil viril et nobiliaire nécessaire,
selon eux, à l’emploi. Ils voulaient bien d’elle comme porte-étendard, mais
guère plus. Seuls Alençon, La Hire, Poton, tous armagnacs, étaient mieux
disposés. Mais les autres, non. Ils devaient s’effacer devant une jeunesse, eux
qui avaient une solide expérience acquise à la force du poignet. Tous les
soldats qui lui étaient attribués leur échappaient, toutes les soldes aussi.
Elle avait des initiatives qui leur semblaient absurdes. Et surtout, après la
victoire, on ne parlerait que d’elle, toute leur participation, tous leurs
efforts passeraient inaperçus. Qui se souvient encore aujourd’hui que la
victoire d’Orléans a été une réussite collective où l’armée de secours confiée
à Dunois et la garnison commandée par Raoul de Gaucourt ont aussi joué un
rôle ? Les capitaines n’avaient pas tout à fait tort : Jeanne
focalisait la lumière, eux restaient dans l’ombre de sa gloire. Tous ne furent
donc pas désolés à l’annonce de sa capture. Capturés, rançonnés, eux aussi
l’avaient été un jour ou l’autre. La gloire n’allait pas sans l’épreuve.
L’armée sans Jeanne redevenait un terrain connu, une institution normale.
     

Enviée par le
roi ?
    Le roi partageait-il cette envie, lui qui était, comme le
dit le chroniqueur Chastellain, « muable (prompt à changer de favori comme
de politique) et envieux » ?
    C’est ce que pense le très armagnac Perceval de Cagny, qui
écrit cinq à sept ans après la mort de Jeanne : « Il suffisait au roi
et à ses conseillers de passer le temps et vivre spécialement depuis la prise
de la Pucelle. Il n’avait d’autre idée que de trouver appointement avec la
Bourgogne. Il montrait petit vouloir de soi armer. » En clair, Perceval
dénonce l’inaction, la passivité, la pusillanimité du roi. Charles n’a rien
fait pour Jeanne, mais il l’aurait pu. Il ne l’a ni voulu ni souhaité.
Indirectement, le laisser-faire royal a abouti à la mort de la Pucelle.
    Les mythographes sont souvent antimonarchistes et partagent
l’opinion de Perceval. Durant le procès en condamnation, Charles VII n’a
rien fait. Il n’opposa aucun démenti aux rumeurs hostiles tant à Jeanne qu’à lui-même
(les média ont heureusement fait des progrès depuis !) et n’envoya aucun
émissaire à Rouen. Jeanne fut abandonnée de tous. Elle ne reçut ni visite ni la
moindre lettre de ses compagnons (chose comique en temps de guerre – la
poste n’apparaît que sous Louis XI et est longtemps réservée aux ordres
royaux). De toute façon, puisque Jeanne ne meurt pas dans le mythe, la
culpabilité du roi n’a pas grand sens.
    D’autres chroniques des années 1430 ne partagent cependant
pas ce point de vue. Ainsi la chronique Morosini : « Une ambassade
fut

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