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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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Jeanne ?
L’opinion attendait de voir ce qui leur adviendrait pour décider de leur
culpabilité ou de leur innocence.
     

L’arbitrage de Dieu
    Or ces traîtres supposés disparurent souvent brutalement. En
1435, Jean de Luxembourg, qui l’avait vendue aux Anglais et formait donc un
Judas très présentable, n’accepta pas le traité d’Arras et se brouilla en
conséquence tant avec le roi qu’avec le duc de Bourgogne. D’après la chronique
de Jean Chartier, il se serait pendu, rongé par le remords (au bout de neuf
ans, quand même !). Quand son neveu et héritier, le connétable Louis, fut
décapité en 1475, on pensa que tous ceux qui avaient tué Jeanne d’Arc
finiraient mal.
    Le roi avait accordé une amnistie générale pour tout ce qui
avait été fait en Normandie du temps des Anglais. Elle concernait donc aussi
les juges de Jeanne. De plus, tous étaient des clercs protégés par l’immunité
ecclésiastique ; ils ne risquaient, au pire, qu’un ralentissement de leur
carrière, mais ils ne perdraient ni leurs évêchés, ni leurs titres
universitaires, ni leurs revenus. Un bon nombre d’entre eux se retrouvèrent
d’ailleurs parmi les juges du procès en nullité, quitte à minimiser évidemment
ce qu’ils avaient fait trente ans plus tôt. Thomas de Courcelles en est un bon
exemple.
    Un assez grand nombre d’entre eux, pourtant, étaient déjà
morts en 1455, ce qui n’a rien d’étonnant. Beaucoup étaient déjà docteurs en
1431, et âgés donc de plus de trente-cinq ans ; en 1455-1456, ils étaient
très vieux selon les normes du temps ou déjà disparus. Ce n’est donc pas à leur
mort même – chose normale – mais aux circonstances de celle-ci qu’on
s’attacha.
    Prenons quelques exemples. Pierre Cauchon, évêque de
Beauvais, avait présidé le tribunal de 1431, conjointement avec le
vice-inquisiteur. Né en 1371 dans la bourgeoisie rémoise, il avait fait de
bonnes études à l’université de Paris où il était devenu maître ès arts. S’en
était suivie une superbe carrière au service de Jean sans Peur puis de la
double monarchie. Conseiller royal, excellent diplomate tant lors des
négociations d’Arras qu’au concile de Bâle, il fit parallèlement une carrière
dans l’Église. Il devint évêque de Beauvais puis de Lisieux. Il mourut en
décembre 1442 dans son hôtel de Rouen à l’âge respectable de soixante-douze
ans. Son testament prouve sa dévotion puisqu’une bonne part de sa fortune fut
consacrée à la chapelle de la Vierge qu’il avait fondée pour abriter son
tombeau à la cathédrale de Lisieux et à la création de bourses pour les pauvres
écoliers.
    Dans l’enquête préliminaire de 1450, le notaire Guillaume
Colles témoigne des bruits qui courent la ville, redevenue française il est
vrai. Cauchon mourut comme il avait vécu, englué dans les soucis du monde, en
se faisant faire la barbe. La Récapitulation pour le procès en nullité
de l’inquisiteur Bréhal construit une image de Cauchon en Caïphe, laquelle va
inspirer pratiquement tous les historiens jusqu’au XX e siècle :
juriste vendu aux Anglais, Cauchon était un traître mû par l’intérêt personnel
et l’ambition. Sa « sinistre mémoire » fut nourrie, de génération en
génération, au fur et à mesure que grandissait la gloire de la Pucelle. Ainsi
en 1897 peut-on lire : « Loin de moi la pensée de faire la biographie
de cet homme vil, ambitieux, traître à son pays, couvert du sang noble et pur
de Jeanne ! » Après quoi, notre auteur l’écrit quand même. Et quand
M. Gay utilise un texte qui parle de Pierre Cauchon comme pourvu d’une «  bona
memoria », il comprend que le souvenir que l’évêque de Lisieux a
laissé est bon. À l’époque médiévale, quand on dit de quelqu’un qu’il est bona
memoria, c’est qu’il est décédé, indépendamment de toutes les bonnes ou
mauvaises actions qu’il a pu commettre. Feu Untel en quelque sorte.
    En revanche, les légendes qui entourent la mort de Nicolas
Midi ont une part de vérité. Un bref du pape Eugène IV daté de 1436
dispense l’ex-assesseur de Cauchon de toutes ses obligations « pour cause
de lèpre ». Il dut donc vivre désormais à part, puisque le Moyen Âge était
persuadé du caractère contagieux de cette maladie. Redoutée plus que toute
autre maladie, la lèpre était le symbole même du péché.
    Mais je reconnais être plus sceptique en ce qui concerne le
promoteur

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