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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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des nouvelles de la putain des Armagnacs. » Le Bâtard de
Granville adresse à ceux qui l’entourent un sympathique « Maquereaux
mécréants » (les Armagnacs sont « maquereaux » parce que Jeanne
est putain, et « mécréants » parce qu’elle est hérétique). Toutes ces
injures sont échangées soit avant le combat, soit pendant les accalmies entre
deux opérations. D’un côté comme de l’autre, elles sont dites en français pour
être comprises. Une injure non comprise manque en effet son but : attenter
à l’honneur de l’adversaire.
    L’affrontement prend un tour plus personnel lorsque William
Glasdale la tourne en dérision et la traite de putain, avant de finir noyé lors
de l’effondrement du pont des Tourelles. Ainsi Dieu punit-il les
blasphémateurs. On oscille entre la plaisanterie osée et la dénonciation
franche. La première peut se trouver dans les deux camps. Un cavalier de son
camp jure Dieu que s’il la tenait, elle ne resterait pas longtemps pucelle.
Jeanne lui dit : « Tu renies Dieu et tu es si près de la mort. »
Dans l’heure, il tombe et se noie. La noyade est, depuis une ordonnance de Philippe
Auguste, la punition normale du blasphème.
    Mêmes sous-entendus grivois pour l’étendard arboré par
Winchester où, sur fond de fuseaux, est écrit « Or vienne la belle »,
signe que les Anglais pourraient faire d’elle une femme et lui donner du fil à
retordre, s’ils l’approchaient d’assez près.
    En revanche, lorsque l’on dit « putain » ou
« femme désordonnée et diffamée » (lettre de Bedford du 7 août),
c’est plus grave : on suppose au pouvoir de Jeanne des fondements sexuels.
Elle s’est attiré les bonnes grâces des chefs de l’armée (le Bâtard d’Orléans,
Poton de Xaintrailles), voire du roi, en leur offrant son corps, comme elle
l’aurait déjà fait avec Baudricourt. Promotion canapé, en somme.
    Mais, à vrai dire, le vocabulaire utilisé manque
d’originalité (putain à 90 %). Seul le Mystère du siège d’Orléans, plus
tardif, offre une vaste palette de l’imagination anglaise en matière
d’injures : « Putain venue de l’étranger, coquarde qui veut les
Français gouverner, infâme paillarde, fausse truande, l’orde, vile et fausse
gueuse qui dut tenir la charrue… » Il n’y a guère quel’ Henry VI de Shakespeare à être plus cru. Tandis que le duc de Bourgogne prie le Ciel
pour qu’en elle, « plaise à Dieu, le mâle ne s’affirme rapidement »,
mettant ainsi fin au pouvoir de la vierge, la Pucelle avoue dans la dernière
scène être enceinte. Mais de qui ? Elle propose successivement le roi, le
duc d’Alençon et enfin René d’Anjou. « Il y en a tant qu’elle ne sait pas
trop qui accuser », conclut le duc d’York.
    Cette recherche de l’amant fantasmatique de Jeanne n’eut
qu’un temps. Il n’en reste pas moins que c’est encore le thème des trois
versions de la Pucelle de Voltaire (1744, 1755, 1762) où, dans la première,
Jeanne succombe aux charmes de sa monture, un baudet ailé, braillard et obsédé,
dans la deuxième, le baudet est châtié par Dunois avant d’avoir commis
l’irréparable et, dans la dernière, Jeanne succombe dans les bras de Dunois
« comme il faut que toute fille tombe ». Le Bâtard et la Putain,
c’est après tout logique.
    La Révolution, qui se veut vertueuse, renonce à ce type de
présentation, qu’on ne retrouvera plus par la suite. Une meilleure connaissance
des procès et des examens de virginité qui y sont liés impose à tous l’idée que
Jeanne était bien vierge, tant lors de son apparition que lors de sa mort.
« Pourquoi faut-il, dit-elle à Martin Ladvenu, que mon corps, net en
entier, qui ne fut jamais corrompu, soit consumé ? »
     

Et pourquoi pas
lesbienne ?
    Les rumeurs se déplacent. C’est chez Lebrun de Charmettes,
vers 1820, qu’on trouve pour la première fois une réfutation (contre qui, je
n’en sais rien) du goût que Jeanne aurait eu pour les jeunes filles. Pauvre
Jeanne, dit Lebrun, qui fut calomniée à cause des précautions qu’elle prenait
pour protéger sa réputation : ne pas dormir seule mais toujours, si
possible, avec une autre femme. Nos mythographes reprennent quasiment tous les
mêmes citations (Raoul de Gaucourt, Louis de Coûtes, Simon Beaucroix), qui
signalent effectivement cette pratique, sans explication. Le lit commun (où
l’on dort souvent nu) est plus courant au XV e siècle que de

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