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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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mythographes. Le vieil homme fait un récit
très classique des festivités autour de l’Arbre des dames où « des dames
et personnes surnaturelles qu’on appelle fées vont danser ». Il signale
aussi que Jeanne allait, plus souvent qu’à son tour, à l’insu de ses parents, à
l’ermitage de Bermont. Mais elle ne rencontre, ni sous l’Arbre ni à Bermont,
aucune dame noble réelle.
    Les cinq témoins qui ont vu les mères ou les épouses des
seigneurs venir le jour des Fontaines sous l’Arbre citent Catherine de
Beauffremont-Ruppes, épouse de Jean (|1399), Béatrice de Beauffremont, épouse
de Pierre, seigneur de 1399 à 1412. Ce couple est cité trois fois. Ce sont les
derniers seigneurs à avoir résidé à Domrémy. Mais ils appartiennent à une
génération antérieure à celle de Jeanne. Nul n’a jamais vu sous l’Arbre Jeanne
de Joinville, sœur de Pierre et dame du lieu en 1412, ni sa fille Jeanne
d’Ogeviller, ni sa petite-fille Béatrice. Mais nos mythographes embauchent
Jeanne de Joinville, Agnès de Vaudemont, dame de Commercy, l’épouse de Robert
de Sarrebriick qui en 1423 imposait aux villageois de lourdes contributions
contre la promesse de ne plus les piller à l’avenir (aurait-elle été bien accueillie
sur place ?), et Marie de Bourlémont, dame de Gondrecourt [49] dont je ne sais rien. Toujours est-il
qu’aucune source ne corrobore la présence sur place de ces dames. La moins
invraisemblable est Jeanne de Joinville, qui s’occupe activement du village
situé sur ses terres et fait restituer à ses gens le bétail pillé par le
routier Henry d’Orly en 1425. Et si elles viennent juste sous l’Arbre le jour
des Fontaines, l’après-midi, une fois l’an, leur présence est bien courte pour
faire l’éducation complète d’une jeune fille. Alors, du temps de Jeanne, les
seules dames à être là en permanence, ce sont les fées (c’est ce que dit Jean
Morel) et elles sont probablement de piètres éducatrices !
     

La magicienne
    Jeanne fut accusée, entre autres, d’être une devineresse,
c’est-à-dire de pouvoir prédire l’avenir en invoquant les mauvais esprits.
    La racine de mandragore, une plante hallucinogène efficace
utilisée aussi par les médecins, était réputée garantir à ceux qui la gardaient
bien enveloppée de soie ou de lin « que jamais aucun jour de leur vie ils
ne seraient pauvres… et (croyaient) qu’à l’avenir ils seraient riches… selon le
conseil d’aucunes vieilles femmes ». C’était après tout une croyance consolante
mais les mendiants, de frère Richard à Thomas Cornette, prêchaient contre les
mandragores et les faisaient brûler en public. Jeanne dit n’en pas posséder et
n’y pas croire. Il n’en fut pas trouvé sur elle, les juges abandonnèrent.
    Mais elle possédait bien d’autres objets bizarres selon eux.
Ses parents lui avaient donné un anneau doré où étaient gravés trois croix et
les mots Jésus-Marie. Elle le portait à l’index gauche quand elle fut prise à
Compiègne. Elle le regardait souvent, surtout quand elle était seule ou allait
à quelque fait de guerre. S’agit-il simplement d’un talisman destiné à protéger
dans des circonstances difficiles, comme on porte une croix au cou ? Ou
bien, comme le pensèrent les juges, d’un anneau à démon familier, comme ceux
que porteraient, un peu plus tard, les « saintes vivantes » des
petites cours italiennes ? Depuis le début du XIV e siècle, on
croyait en effet qu’on peut enfermer un démon dans une bague, l’avoir toujours
sous la main en somme ! Il était conseillé de choisir un démon multifonctions
qui prédit l’avenir, aide à sortir de prison, amène des renforts inattendus,
vous donne la faveur du roi ou de la Cour ou remporte la victoire. Le pape
Boniface VIII avait été le premier à en être accusé, ils s’étaient ensuite
multipliés dans tous les procès politiques du XIV e siècle. La
pratique avait évidemment été interdite à plusieurs reprises, tant par la
papauté que par l’université de Paris. Pourtant, cet anneau ne déboucha pas sur
une accusation que les juges puissent prouver. C’étaient les Bourguignons qui
l’avaient et les juges ne savaient pas trop à quoi il ressemblait. Pouvait-il
fonctionner sans son légitime propriétaire ? Ce n’était pas sûr.
Shakespeare en connaissait encore l’existence, qui affirme lors d’une
escarmouche où, par exception, les Anglais l’emportent :

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