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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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sexualité et les procès en sorcellerie
n’ont plus cours.
     
    Lorsque Adam et Ève étaient au Paradis, Dieu leur interdit
de manger le fruit de l’Arbre du bien et du mal. Mais le diable se déguisa en
serpent pour séduire Ève, qui croqua la pomme et la tendit à Adam.
    Depuis le récit biblique, toutes les femmes [48] sont des tentatrices potentielles, des
séductrices dont il faut se garder. Toute femme qui échappe au contrôle des
hommes est suspectée de mauvaise conduite. Or Jeanne n’est plus chez ses
parents, elle n’a pas de mari. Certes, ses frères l’accompagnent et le roi la
flanque du très respectable Jean d’Aulon. Elle n’en est pas moins une anomalie
dans ce monde où il n’y a pas de femme seule. Elle n’est pas non plus abritée
par les murs solides d’une maison familiale ou d’un couvent. Ce n’est pas une
femme cachée, ce n’est pas une femme gardée. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce
que de fâcheuses rumeurs courent très vite sur son compte et mettent à mal sa
réputation. Comme toutes les femmes sont luxurieuses, comme toutes les femmes
sont insatiables – les hommes, eux, seraient gouvernés par leur cerveau et
non par leurs instincts -, Jeanne est traitée de putain, par les
Anglo-Bourguignons, comme le seront bien plus tard Elisabeth Guigou, Dominique
Voynet ou Anne-Marie Comparini. La longue durée est ici garantie.
    Qui dit luxure dit sensibilité au diable. Il n’y avait pas
de grande différence au Moyen Âge entre putain et sorcière. La sorcière était
elle aussi une femme de mauvaise vie et de mauvaise réputation, une marginale
souvent illettrée et pauvre. La sorcellerie était même en train de se féminiser
brutalement. Alors que vers 1400 la parité est respectée entre hommes et
femmes, vers 1425 les condamnés sont à 70 % des femmes. Jeanne
correspondait à peu près au profil type : villageoise, illettrée, de
famille pauvre (ou plutôt qu’on disait pauvre) et dépourvue de l’appui d’un
entourage familial masculin. Mais elle en différait aussi : elle était
trop jeune, ce que tout le monde pouvait voir, et trop vierge, ce qui était
plus difficile à constater.
     

Une putain ?
    Comme toute fille de mauvaise vie, Jeanne aurait commencé
tôt. Il était à peu près impossible de s’en prendre à une enfance familiale
fort contrôlée. Mais les Bourguignons se disaient fort au courant de son séjour
à Neufchâteau. Elle n’y séjourna que quinze jours avec sa famille, arguaient au
contraire les témoins de Domrémy.
    Pas du tout, elle fut mise en apprentissage dans une
hôtellerie dont la tenancière s’appelait La Rousse et qui abritait nombre de filles
faciles ; elle y fut « meschine » (servante) plusieurs années où
elle apprit à monter à cheval, à soigner les bêtes, à n’être pas timide avec
les hommes « et à faire ce que les jeunes filles n’ont pas l’habitude de
faire », disent les chroniqueurs bourguignons Jean de Wavrin et
Monstrelet, qui rapportent les bruits qui coururent dès l’apparition de Jeanne.
Là où les Armagnacs disent Pucelle et bergère, les Bourguignons rétorquent
putain et servante d’auberge.
    Lorsque la mission de Jeanne commença à Vaucouleurs, Robert
de Baudricourt aurait accepté de la recevoir « parce que ses soldats
voulaient s’ébattre avec elle », mais ils en furent empêchés par son abord
glacial. Baudricourt lui-même fut tenté. « Aucuns disent que garce fut de
Robert de Baudricourt », affirme au XVI e siècle Girard du
Haillan. Et si ce protestant est peu fiable puisque l’icône des catholiques lui
déplaît souverainement, Windecke rapporte une extraordinaire conversation entre
Baudricourt et Jeanne où celui-ci lui propose ses services sur l’oreiller.
Jeanne répond que le Saint-Esprit saura bien, une fois sa mission remplie,
faire naître d’elle un pape, un empereur et un roi de France. C’est non,
certes, mais cela prouve que, dans l’Empire, Jeanne et Robert formaient un
couple possible.
    À l’arrivée à Orléans, la mauvaise réputation de la Pucelle
est dénoncée, dans le camp anglo-bourguignon, de façon beaucoup plus nette. La
soldatesque est brutale, les échanges d’injures de rigueur avant tout
affrontement. Ainsi, à la première Lettre aux Anglais , ceux-ci répondent
qu’ils brûleront cette « ribaude » (fille à soldats). Qu’elle s’en
retourne garder les vaches ! À la seconde, ils rient entre eux :
« Ce sont

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