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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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nos
jours. Les lits sont larges et rares dans une ville qui doit, à Orléans comme à
Compiègne, abriter brutalement une armée de secours. Ce sont les chefs de
l’armée qui répartissent les soldats chez l’habitant. Jeanne ne choisit pas qui
l’héberge. À Bourges, c’est le seigneur d’Albret qui l’a expédiée chez
Marguerite La Touroulde et Robert de Bouligny avec sa suite. Même s’il s’agit
d’une assez grande maison, on se serre. Pour faire honneur à l’hôte, la fille
ou la femme de la maison vont partager leur lit comme elles lui ouvriront leur
table. Que penser de ce que dit Simon Beaucroix : « Cette Jeanne
dormait toujours avec des filles jeunes, car elle n’aimait pas dormir avec de
vieilles femmes » ? Il vise le séjour à Orléans où Jeanne, qui
habitait chez Jean Boucher, couchait dans la chambre de la petite Charlotte,
qui témoigne en 1456. « La nuit, elle dormait avec Jeanne toute seule et
elle ne vit jamais en elle signe de lubricité. » Charlotte avait neuf ou
dix ans en 1429. Mais Jeanne partagea aussi le lit de Marguerite La Touroulde,
qui avait alors trente-huit ans, et de Marie Le Boucher, l’épouse du procureur
du roi à Compiègne. Les nuits n’étaient pas calmes. « Jeanne la faisait
relever pour aller dire à son mari qu’il se méfiât des Bourguignons. »
    Jeanne a-t-elle une certaine méfiance vis-à-vis des vieilles
femmes ? Certes, la société médiévale est basée sur le respect dû aux
aînés : « Tu honoreras ton père et ta mère », disent les Dix
Commandements. Les femmes âgées et veuves peuvent faire leur salut en
fréquentant l’église et en donnant aux pauvres. Mais les « vieilles »
sont, par nature, suspectes. Ménopausées, elles n’ont plus accès aux purges
périodiques que constituent le sang des règles et les accouchements. Or, ce
sang est dangereux : il rouille le fer, empêche les céréales de germer et
fait tourner les sauces. Accumulé, il est pire. Qui plus est, au cours d’une
vie sexuelle normale, une femme acquiert bien des connaissances illicites.
Toute vieille femme est potentiellement une entremetteuse ou une corruptrice de
la jeunesse. Ainsi disent le médecin et le prêtre, dont elles sont les
concurrentes inavouées. Ainsi pensent les juges. « Les jeunes filles n’ont
pas l’habitude d’être sorcières, puisqu’elles sont vierges. Ce sont les
vieilles femmes pécheresses qui passent des pactes implicites ou explicites
avec le démon. » Derrière la vieille femme se profile la sorcière. Ainsi
pense Jeanne, comme tous ses contemporains. Il faut donc éviter de fréquenter
une femme âgée seule à seule. Jeanne n’est pas lesbienne, comme cela a pu être
écrit, elle est prudente.
    Dès que la Pucelle apparaît, l’opinion publique
bourguignonne affiche sa perplexité. Le Bourgeois de Paris a appris l’existence
d’une « créature en forme de femme, (il) ne sai(t) qui c’est ».
Est-ce une femme ou un démon incarné ? Il y a peu de différences entre une
prophétesse, une magicienne et une sorcière. Toutes sont sensibles au
surnaturel, l’une a fait vœu de virginité, l’autre a signé un pacte avec le
démon. Elles portent des marques (la fameuse tache rouge de Jeanne). Elles
savent les secrets de l’avenir. « Elle disait : telle chose adviendra
pour vrai. » Elles ont accès aux choses cachées (l’épée que Jeanne avait
envoyé chercher à Fierbois, ou les trésors dans les murs que voyait Catherine
de La Rochelle). Vu de l’extérieur, il y a peu de différences entre une
servante de Dieu et une servante du démon.
    Les Anglais traitent Jeanne de sorcière sous les murs
d’Orléans. N’a-t-elle pas la prétention de deviner l’avenir ? Son étendard
suscite la peur. Bedford écrit à Henry VI en juillet : « Le
motif de notre désastre se trouve, selon moi, en grande partie dans les folles
idées et peurs déraisonnables inspirées à votre peuple par un disciple et
limier du diable appelé la Pucelle, qui a usé de faux enchantements et
sorcelleries. » Ils reprochent à Jeanne de prédire leurs défaites, de
savoir comment les faire fuir, de démobiliser leur armée. Inversement, elle
suscite les victoires françaises parce qu’elle donne à l’autre camp moral et
courage. Peut-être les esprits maléfiques qu’elle sait convoquer combattent-ils
du côté de « cette damnée enchanteresse » ? Mais aucune de ces
injures ne la classe dans des

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