Joséphine, l'obsession de Napoléon
entonnèrent une marche triomphale, et la congrégation, sans doute saisie d’admiration, se lança dans une salve d’applaudissements ininterrompus et plutôt intempestifs, car on n’était pas censé être au théâtre. Souriante et gracieuse, Joséphine allait à pas comptés sous un dais mobile soutenu par les chanoines du chapitre de Notre-Dame, la fameuse traîne tenue par les cinq princesses, Élisa, Pauline, Caroline, Hortense et l’épouse de Joseph, qui avait dû rabattre son indignation. Compensation : leurs propres traînes étaient tenues par leurs chambellans. L’Impératrice était précédée par le maréchal Sérurier, portant l’anneau sur un coussin d’écarlate, le maréchal Moncey, tenant la corbeille dans laquelle on déposerait le manteau, et Murat, amenant sur un coussin la couronne sertie de perles et de diamants et surmontée d’une croix. Les trois hommes arboraient aussi des costumes chatoyants et chamarrés. Ils étaient accompagnés des hérauts en armes, des pages, des écuyers et du grand maître des cérémonies, tous séparés par l’espace protocolaire de dix pas.
Derrière venaient la dame d’honneur et les dames du palais.
Napoléon entra à son tour, coiffé de lauriers en or, tel un César de parade : sa couronne, ses insignes impériaux, son épée, son collier et son globe portés par ses maréchaux et par le cardinal Fesch, sa traîne soutenue par Joseph, Louis et les deux anciens consuls. Les applaudissements claquaient toujours, la marche triomphale se poursuivait.
Le couple impérial prit place sur deux trônes au bas de l’autel, devant des prie-Dieu. Leurs insignes et leurs manteaux furent déposés sur l’autel pour y être bénits.
Le pape fit un signe : les litanies s’élevèrent.
Il n’y aurait pas de communion, l’Empereur en avait prévenu le pape à la dernière minute : son état-major et sa cour comptaient trop d’anciens conventionnels qui s’en seraient formalisés. Lui-même n’y était pas favorable.
— La religion chrétienne n’excite pas le courage, déclarerait-il plus tard, à Sainte-Hélène. Comme général, je n’aimais pas les chrétiens dans mes armées.
Il l’a assez dit, il préférait l’islam :
— Le Koran n’est pas seulement religieux ; il est politique et civil. Il contient toutes les manières de gouverner. La religion chrétienne, elle, ne prêche que la morale.
Le formidable cérémonial qu’il avait organisé n’était donc pour lui qu’un spectacle.
Seconde entorse au protocole royal : ni l’Empereur ni l’Impératrice ne s’allongeraient par terre, front contre terre devant l’autel, avant l’élévation. Il eût fait beau voir qu’ils montrassent leurs dos et leurs fesses à l’assistance ! Après le Veni Creator, l’Empereur et l’Impératrice furent conduits à l’autel et s’agenouillèrent sur des coussins de velours bleu. Le pape fit alors la triple onction avec l’huile sainte sur le front et les mains de Napoléon, et de même sur Joséphine. Puis il prononça une prière :
— Que le Père de l’éternelle gloire soit votre aide…
Puis leurs suivants raccompagnèrent l’Empereur et l’Impératrice à leurs trônes.
À la fin de la messe, le pape bénit les deux couronnes et les plaça sur l’autel.
Napoléon se leva alors, gravit les marches de l’autel et, devant le pape éberlué, saisit la sienne, puis, s’étant tourné vers la congrégation, s’en coiffa. Il la remit sur l’autel, saisit la couronne de Joséphine, s’en coiffa également, la reprit en main et descendit de l’autel. Il considéra longuement Joséphine agenouillée sur son prie-Dieu, souriante et les yeux brillant de larmes. Il posa délicatement la couronne sur la tête de sa femme, prenant soin de bien la placer au-dessus du diadème, sans déranger la coiffure.
Les rapports des témoins sont extatiques : « L’Empereur mit une grâce parfaite à la moindre des actions qu’il devait faire pour accomplir la cérémonie. Mais ce fut surtout lorsqu’il s’agit de couronner l’Impératrice. Cette action devait être accomplie par l’Empereur, qui, après avoir reçu la petite couronne fermée et surmontée de la croix qu’il faisait placer sur la tête de Joséphine, devait la poser sur sa propre tête pour la mettre sur celle de l’Impératrice. Il mit à ces deux mouvements une lenteur gracieuse qui était remarquable. »
Ce texte passablement confus, sinon obscur,
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