Joséphine, l'obsession de Napoléon
diamants, un collier, des boucles d’oreilles et des bracelets des mêmes pierres. Le manteau dont la traîne, longue de trois mètres, avait suscité l’ire des Bonaparte s’attacherait aux épaules par une torsade d’or et une agrafe de diamants.
L’Empereur portait un costume Renaissance et une quantité prodigieuse de bijoux. Pour ne pas passer inaperçu dans cette profusion de joyaux, le diamant le Régent avait été retiré du pommeau de son épée et fixé sur sa toque de velours. Bedonnant, le front dégarni, Napoléon campait une étrange silhouette dans ses pantalons bouffants et son habit de velours écarlate, dessinés par Isabey comme tous les costumes de la cour pour cette occasion. Mme de Boigne, pourtant encline d’habitude à une certaine indulgence, le compare à « un roi de carreau ».
Ils montèrent dans le carrosse rehaussé d’or, à huit glaces, une vraie vitrine sur roues, surmonté de l’aigle impériale et d’une copie de la couronne de Charlemagne.
La foule béait de stupeur.
Égarés par l’émotion, l’Empereur et l’impératrice s’assirent de travers, n’ayant pas remarqué de quel côté se trouvait l’attelage ; ils s’empressèrent de changer de banquette pour ne pas voyager à contresens. Joseph et Louis s’assirent en face d’eux, tous deux habillés de satin blanc et de velours.
Ni Laetitia, ni Lucien, ni Jérôme n’étaient prévus dans le cérémonial : la dernière entrevue de Napoléon avec Lucien avait été orageuse.
— Vous voulez tuer la République, avait crié Lucien, soit, assassinez-la et élevez-vous sur son cadavre. Mais écoutez bien ce qu’un de ses fils vous prédit : cet empire que vous ne soutenez que par la violence sera un jour abattu par elle.
C’était presque une malédiction. Lucien, « la haine au coeur », et sa femme Alexandrine s’étaient donc exilés en Italie et ne reçurent pas d’invitation.
Telle était la raison pour laquelle Laetitia, attachée à Lucien, resta aussi en Italie. Elle était désolée que personne n’eût réussi à réconcilier les deux frères.
Quant à Jérôme, tête brûlée, désertant la flotte pendant une mission, il s’était enfui aux États-Unis, où il s’était marié avec une Américaine, Élisa Patterson.
Mais, en ce matin du 2 décembre, bien rares étaient ceux qui pensaient aux absents.
Les canons tonnèrent quand le carrosse sortit des Tuileries, tiré par huit chevaux isabelle.
Empêtrés dans l’ajustement de leurs habits, Napoléon et Joséphine avaient pris deux heures de retard. Le pape était parti à 9 heures exactement, escorté par quatre escadrons de dragons et six voitures de cardinaux, d’évêques et de prêtres. Suivaient les voitures des ministres, généraux et autres dignitaires, tous accoutrés comme des seigneurs de la Renaissance, et filant donc grand train sous les yeux des badauds ébaubis.
Les carillons de toutes les cloches de Paris emplissaient l’air gris et la chaussée était blanche de la neige tombée pendant la nuit. Néanmoins, les fidèles s’étaient dûment agenouillés au passage du pape.
La foule était dense, mais étrangement silencieuse. Il eût fallu beaucoup de candeur pour s’en étonner : il restait assez d’anciens conventionnels et de royalistes à Paris pour être surpris ou scandalisés, chacun pour ses raisons, par ce déferlement extraordinaire de faste, ces costumes d’un autre temps, ces ors, ces diamants. La Révolution avait voulu détruire ces étalages de pouvoir autocratique et la royauté n’en avait jamais fait autant.
Le soleil pointa quand le carrosse arriva à Notre-Dame.
Le pape attendait dans un froid glacial. Il attendrait encore. En effet, les costumes de l’Empereur et de l’Impératrice devaient être rajustés pour l’entrée dans la cathédrale. Les spectateurs s’étaient restaurés clandestinement de petits pains et de saucisses. Puis, en entrant dans la cour de l’archevêché, Joséphine laissa tomber l’anneau impérial que Pie VII lui avait donné et qu’il bénirait tout à l’heure. Un anneau orné d’un rubis, symbole de joie ardente. Heureusement, ce présage funeste fut annulé quand Eugène retrouva l’anneau.
Enfin, Leurs Majestés furent prêtes. Joséphine entra la première dans la nef magnifique où, peu auparavant, s’était dressée une statue de la déesse Raison, inspiratrice de tant de folie.
Les quatre orchestres installés pour la circonstance
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