Joséphine, l'obsession de Napoléon
et celui de la maison pontificale, avec nombre de cardinaux.
Un enfant de six mois, sur un lit dressé pour la circonstance dans le grand salon, regarda tout ce monde avec stupeur. On l’emporta à la chapelle. Ses marraine et parrain furent Madame Mère et Sa Majesté l’empereur et roi Napoléon. Et le chef de l’Église catholique et romaine lui donna l’onction.
C’était bien le sacre de la dynastie après le sien que Napoléon avait voulu.
Un banquet réunit tout ce monde. La Comédie-Française vint jouer Athalie, Dieu seul savait pourquoi ce choix.
Puis le couple impérial partit donc pour l’Italie.
Sur ordre de l’Empereur, les princes et les princesses furent tenus d’assister au couronnement. Mais, à la perspective de voir la Beauharnais devenir reine d’Italie, on put craindre qu’ils fussent victimes d’une attaque de convulsions. Impératrice et reine, « la Vieille » ? Caroline Murat se fit porter malade et son époux, de fureur, brisa son épée sur sa cuisse.
Le voyage fut évidemment triomphal, mais pas au début ; en effet, le couple impérial étant passé par Chambéry et la Maurienne, le passage du mont Cenis se fit à dos de mulet et en chaises à porteurs, la route commandée par l’Empereur n’étant pas achevée. Le coffret à bijoux de l’Impératrice fut attaché au dos d’un robuste – et honnête – Savoyard. À Turin, le cortège impérial fut rejoint par celui du pape, qui regagnait Rome.
Napoléon voulut faire visiter à son épouse les champs des batailles passées, où il expliqua en détail sa tactique et sa stratégie. À Alexandrie, il revêtit même l’uniforme qu’il y avait alors porté et qui était mité, outre qu’il était devenu trop juste. Rares privilèges que Joséphine eût mieux appréciés si Napoléon n’avait témoigné d’un intérêt trop évident pour une certaine demoiselle Lacoste, lectrice au service de Joséphine.
La cérémonie au Dôme de Milan, la plus grande église du monde après le Vatican, fut moins fastueuse que celle de Paris et, même, expédiée avec quelque désinvolture par Napoléon : il entra dans l’église avec sa couronne sous le bras, au scandale de la congrégation. Comme à Paris, il s’en coiffa lui-même, clamant :
— Dieu me l’a donnée, gare à qui la touche !
Exultant de gaîté, il reprit ses espiègleries quand il se retrouva dans l’intimité. Il interpella la femme de chambre Avrillion :
— Eh bien, mademoiselle, avez-vous bien entendu ce que j’ai dit en posant la couronne sur ma tête : Dieu me l’a donnée, gare à qui la touche !
Il se frottait les mains en faisant le tour du salon de l’impératrice, donnant des tapes sur l’épaule de Joséphine et dansant presque. À la fin, elle s’en lassa et, comme lorsqu’il venait chiffonner sa mise, elle lui lança :
— Finis donc, Bonaparte !
Elle ne s’était pas encore habituée à l’appeler « Napoléon ». Tant de légèreté peut surprendre. Le corollaire politique de l’événement était, en effet, important : « La couronne d’Italie est héréditaire dans sa descendance directe, soit naturelle, soit adoptive, de mâle en mâle, et à l’exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d’adoption puisse s’étendre sur une autre personne qu’un citoyen de l’Empire français ou du royaume d’Italie », fut-il spécifié au Sénat impérial, le 17 mars 1805. Autant dire que la France annexait quasiment l’ancienne République cisalpine.
N’importe, Napoléon se jugeait l’homme le plus puissant d’Europe et jouait avec les États comme avec des soldats de plomb. Le 7 juin, Eugène de Beauharnais, lui, fut nommé vice-roi d’Italie.
Joséphine en pleura, car elle craignit d’être séparée de son fils, et ses larmes réveillèrent paradoxalement ses craintes d’un divorce.
— Tu pleures, Joséphine, cela n’a pas le sens commun, lui dit Napoléon. Tu pleures parce que tu vas être séparée de ton fils ? Si l’absence de tes enfants te cause tant de chagrin, juge donc de ce que je dois éprouver, moi !
Si le problème de la succession était apparemment réglé, celui du désir de paternité de Napoléon ne l’était donc pas.
Les distractions offertes par le séjour impérial dans le Milanais détournèrent heureusement l’esprit de Joséphine de son chagrin. Elle se rendit aux îles Borromées, sur le lac Majeur, séjourna au
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